Un jour, j’avais dix ans, j’ai été enfermé dans la morgue de Sophiahemmet. Le gardien de l’hôpital s’appelait Algit. C’était un grand pataud avec des cheveux blonds presque blancs coupés ras et des petits yeux bleus perçants sous des sourcils blancs, des mains grasses et violacées. Algot transportait les cadavres et il parlait volontiers de la mort, des morts, des agonies, des morts qui n’étaient morts qu’en apparence. La morgue se composait de deux pièces, il y avait, devant, une chapelle où les parents prenaient une dernière fois congé des leurs et, derrière, une pièce où l’on arrangeait les cadavres…
Nous avons dansé ensemble toutes les figures que l’on peut imaginer : passion, tendresse, folie, trahison, colère, grotesque, ennui, amour, mensonges, joie, naissances, coup de tonnerre, clair de lunes, meubles, articles ménagers, jalousies grands lits, lits étroits, adultères, dépassements des limites, bonne foi – et encore -, larmes, érotisme, rien qu’érotisme, catastrophes, triomphes, contrariétés, injures, bagarres, angoisse, angoisse, désir, ovules, sperme, menstrues, départs, slips – et encore –, mieux vaut en finir avant que ça ne déraille – impuissance, lubricité, horreur, approche de la Mort, la Mort, nuits noires, nuits d’insomnie, nuits blanches, musique, petits déjeuners, des seins, des lèvres, des…
Le plus dur, c’est l’heure du loup, entre trois et cinq heures. Quand viennent les démons : les regrets, l’ennui, la peur, le malaise, la fureur. Ça ne sert à rien d’essayer de les endiguer, ça devient encore pire. Quand mes yeux sont fatigués de lire, j’ai la musique. Je ferme les yeux et je donne libre cours aux démons : venez, je vous connais, je sais comment vous fonctionnez, allez‑y jusqu’à ce que vous en ayez assez, je ne résiste pas. Les démons deviennent alors de plus en plus rageurs et au bout d’un moment, le fond cède, ils se montrent…
En général, les gens vont et viennent comme autant de symphonies d’odeurs : poudre, parfum, savon au goudron, urine, sexe, sueur, pommade, crasse, relents de cuisine. Certains sentent l’être humain en général. Ingmar Bergman Laterna Magica Gallimard 1987 31 fr…
Quelques minutes plus tard, elle faisait son entrée en scène : au sortir de sa penderie, la lumière du jour la fait reculer, elle secoue sa robe qui traîne par terre comme un perroquet faisant gonfler ses plumes. Ingmar Bergman Laterna Magica Gallimard 1987 177 Lucie Albertini fr…
Et mon cœur de quatre ans dévoré d’amour comme le cœur d’un petit chien. Ingmar Bergman Laterna Magica Gallimard 1987 11 Lucie Albertini fr…