Je ne l’ai jamais vu que la nuit. Une fois dans une sorte de b… ; souvent au théâtre. On m’a dit qu’il vivait de médiocres opérations hebdomadaires à la Bourse. Il prenait ses repas dans un petit restaurant de la rue Vivienne. Là, il mangeait comme on se purge, avec le même entrain. Parfois, il s’accordait ailleurs un repas fin et lent. M. Teste avait peut-être quarante ans. Sa parole était extraordinairement rapide, et sa voix sourde. Tout s’effaçait en lui, les yeux, les mains. Il avait pourtant les épaules militaires, et le pas d’une régularité qui étonnait. Quand…
Chaque esprit qu’on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu’il faut pour se rendre perceptible, l’énergie dissipée à se transmettre et à préparer la satisfaction étrangère. (…) J’ai rêvé alors que les têtes les plus fortes, les inventeurs les plus sagaces, les connaisseurs le plus exactement de la pensée devaient être des inconnus, des avares, des hommes qui meurent sans avouer. Paul Valéry Monsieur Teste Gallimard 1946 1896 16–17 préface à la seconde édition anglaise fr…
J’essayais donc de me réduire à mes propriétés réelles. J’avais peu de confiance dans mes moyens, et je trouvais en moi sans nulle peine tout ce qu’il fallait pour me haïr ; mais j’étais fort de mon désir infini de netteté, de mon mépris des convictions et de sidoles, de mon égoût de la facilité et de mon sentiment de mes limites. Je m’étais fait une île intérieure que je perdais mon temps à reconnaître et à fortifier… Paul Valéry Monsieur Teste Gallimard 1946 1896 préface à la seconde édition anglaise fr…
J’étais affecté du mal aigu de la précision. Je tendais à l’extrême désir insensé de comprendre, et je cherchais en moi les points critiques de ma faculté d’attention. Je faisais donc ce que je pouvais pour augmenter un peu les durées de quelques pensées. Paul Valéry Monsieur Teste Gallimard 1946 1896 7 préface à la seconde édition anglaise fr…
Je n’ai retenu le meilleur ni le pire de ces choses : est resté ce qui l’a pu. (…) Je me suis rarement perdu de vue ; je me suis détesté, je me suis adoré ; – puis, nous avons vieilli ensemble. Paul Valéry La soirée avec Monsieur Teste Monsieur Teste Gallimard 1946 1896 15 fr…