On perçoit [dans le premier des deux éloges – l’un « ésotérique », l’autre « exotérique » – prononcés en mars 1907, par la même personne, à la mort de Giosuè Carducci, et que Jesi analyse et compare dans ces pages] la nécessité idéologique d’aplatir les différences que l’histoire établit au sein du passé afin de disposer d’une valeur compacte, uniforme, essentiellement indifférenciée. Et l’on perçoit également la conviction qu’il est possible d’entrer en rapport abvec cette valeur en ayant recours à des locutions et des figures de style qui deviendront non sans raison ceux de la rhétorique fasciste : « un visage mâle », « une fierté…
[L]e cœur, le noyau dur de l’Exposition de la Révolution fasciste (1932–1935) était le Sacrario dei Martiri (Mémorial des Martyrs) qui récupérait au service du régime l’aura sépulcrale de la rhétorique du Soldat Inconnu, mais qui, en même temps, par manque de style et, si l’on peut dire, de « chaleur » mythologique, ressemblait finalement beaucoup plus à un stand de foire, aménagé avec un sens du détail digne d’un chorégraphe, qu’à un sanctuaire ou à une crypte d’une véritable religion de la mort : C’est une immense salle, noire comme un catafalque, surplombée d’une voûte étoilée à intervalles réguliers, dont chaque étoile…
Que signifie l’expression « culture de droite » ? La culture au sein de laquelle le passé est une sorte de bouillie homogène que l’on peut modeler et à laquelle on peut donner la forme que l’on considère la plus utuile. La culture dans laquelle prévaut une religion de la mort ou plutôt une religion des morts exemplaires. La culture dans laquelle on déclare qu’il existe des valeurs indiscutables, indiquées par des mots dont la première lettre est toujours une majuscule, avant tout Tradition et Culture mais aussi Justice, Liberté, Révolution. Bref, une culture faite d’autorité, de sécurité mythologique quant aux normes…