1. J’ai besoin d’une certaine définition minimale de la poésie comme la seule pratique verbale, littéraire, échappant (ou tendant à échapper) aux contraintes et aux dogmes de la représentation : la poésie comme branchement direct (ah ! ah!) de la langue sur du réel (de l’inconscient, du physique, du pulsionnel), la poésie comme branchement direct (!) de la langue sur de la réalité « objective » (du réel rugueux à étreindre, du réel sans nom et sans images et dénué de sens, etc.) ; la poésie comme pratique intégralement (!) objective et « réaliste » en ce sens-là (qui est un peu le contraire du sens…
Être réaliste en poésie, c’est reconnaître que la poésie n’est rien, et qu’elle n’a qu’à s’enfoncer dans le trente-sixième dessous qui est son séjour normal et où on ne manque pas de la renvoyer lorsque l’occasion s’en présente. J’ai appris il y a quelques jours qu’un débat sur la poésie, commandé par Le Monde des Débats et prévu pour décembre, puis janvier, puis février, ne serait en définitive pas publié : il a paru aux responsables du journal que ce débat ne répondait pas aux bonnes questions, celles que le lecteur est censé se poser – À quoi ça sert, la…
Il y a des poètes qui enseignent. Beaucoup. Je m’en tiens ici à ce costume, exemplaire : instituteurs (mot périmé, je crois, mais très beau), professeurs de collège, professeurs de lycée, professeurs de college au sens américain (premier cycle universitaire), professeurs d’université, et même (forcément un seul à la fois), professeur au Collège de France. Dans ce dernier état : costume (apparemment) simple (Bonnefoy). Je crois que tous ceux-là (les Guglielmi, Stéfan, Sacré, Prigent, Deguy, etc.) croient (je crois avec eux, bien sûr) qu’il y a un lien entre le travail de poésie et le travail de transmission, transfusion, translation, « métaphore » des…
La leçon de Rimbaud, ce serait : essayage intense et rapide de tous les costumes, d’un maximum de costumes (pour voir) (cette dernière parenthèse prononcée en pressant plus ou moins fortement sur le verbe voir ). Le costume de l’enfant, ce serait finalement (du moins, c’est à ce point de la leçon que je crois être parvenu) l’absence de costume vers quoi il s’agit de se diriger, de se dégager. Celui qui ne parle pas encore, qui est en puissance de parole. Il claque la porte. Il se retrouve debout dehors. Il « tourne ses bras ». J’imagine qu’il est nu. Le paradoxe…
Dernier point : C’est parce que je donne à la poésie pour tâche de dire le réel ou la réalité. Alors que la réalité est sans nom. Alors que la réalité est innommable. Alors que la réalité est hors d’atteinte. Alors que la réalité est sans commune mesure avec le langage. Alors que la langue ne peut que figurer le réel, que le renverser, que le convertir en image, etc. C’est parce que je donne à la poésie la tâche impossible de dire le réel, ou de me conduire au réel, à l’étreinte du réel, que je pense la poésie elle-même…
2. L’œuvre poétique contemporaine est d’ailleurs, à ma connaissance, très peu consacrée à l’évocation de la personne du poète et de ses costumes possibles. Il est question d’autre chose, d’autres choses. Ce que l’on appelle « réflexivité », dans la poésie moderne, semble être (tendanciellement) réflexivité littérale. Il s’agit toujours moins de la réflexion d’un ou du poète que de la confection, réfection, défection, etc., de la poésie telle que littéralement elle s’avance, recule, apparaît, s’expose, s’efface, boite, bute, ricoche, etc. Jean-Marie Gleize Costumes Sorties Questions théoriques 2014 37…
Les poètes savent (vaguement) que ce ne sont pas les poètes qui désormais habillent les poètes. Le costume des poètes est dans les lunettes de l’habitant non-lecteur, consommateur de moutarde et de spots en prime time. En plus, ce poète en costume n’est même pas un poète. Donc, c’est une image de rien. Jean-Marie Gleize Costumes Sorties Questions théoriques 2014 36…