Dernier point : C’est parce que je donne à la poésie pour tâche de dire le réel ou la réalité. Alors que la réalité est sans nom. Alors que la réalité est innommable. Alors que la réalité est hors d’atteinte. Alors que la réalité est sans commune mesure avec le langage. Alors que la langue ne peut que figurer le réel, que le renverser, que le convertir en image, etc. C’est parce que je donne à la poésie la tâche impossible de dire le réel, ou de me conduire au réel, à l’étreinte du réel, que je pense la poésie elle-même comme tâche impossible, inachevable, impensable, irréalisable, que je pense la poésie comme nécessairement toujours proche de son échec ou de son renoncement. Et qu’en même temps il n’y a rien d’autre à faire. Que c’est la seule tâche utile. Les [poètes] savent qu’ils ne peuvent pas ne pas écrire. Qu’ils le « doivent ».
Les [poètes] doivent savoir qu’ils pourraient ne pas écrire. Qu’écrire est proche de son échec et de son renoncement.
C’est le climat aporétique normal de ce qu’on peut continuer d’appeler « poésie », si on veut.
Conclusion. Je crois (vouloir) (pouvoir) (pouvoir vouloir croire) participer à la mise en œuvre ou en formes de la question : Y a‑t-il quelque chose après la poésie ? La poésie comme pratique de cette question-là. Quel que soit le nom qu’on lui donne, qu’on lui donnera. Ou bien vers le silence, relation intégrale à la réalité intégrale, ou bien vers l’invention de la littérature, mot à mot lettre à lettre en commençant par le début dans le noir : A noir. Et forcément indifférent à ceux qui peuvent me prouver que je n’existe pas. À rendre les costumes visibles en tant que tels…