À l’âge où l’on aime encore à se regarder dans la glace et où l’on accorde encore de l’importance aux problèmes du tailleur et du coiffeur, il arrive aussi que l’on se décrive un lieu où l’on aimerait passer sa vie, ou du moins un lieu où il serait « chic » de séjourner quand bien même on pressentirait qu’on ne s’y plairait guère personnellement.
Parmi ces idées fixes sociales est apparue, depuis longtemps déjà, une espèce de ville hyper-américaine, où tout marche et s’arrête au chronomètre. L’air et la terre ne sont plus qu’une immense fourmilière sillonnée d’artères en étages. Les transports, de surface, aériens et souterrains, les déplacements humains par pneumatique, les files d’automobiles foncent dans l’horizontale tandis que dans la verticale des ascenseurs ultra-rapides pompent les masses humaines d’un palier de circulation à l’autre ; aux points de jonction, l’on saute d’un transport dans l’autre ; leur rythme qui, entre deux vitesses tonnantes, fait une pause, une syncope, un petit gouffre de vingt secondes, vous aspire et vous enlève sans que vous ayez le temps de réfléchir, et dans les intervalles de ce rythme général, on échange hâtivement quelques mots. Les questions et les réponses s’emboîtent les unes dans les autres comme les pièces d’une machine, chacun n’a devant soi que des tâches bien définies, les professions sont groupées par quartiers, on mange tout en se déplaçant, les plaisirs sont concentrés dans d’autres secteurs, et ailleurs encore se dressent les tours où l’on retrouve son épouse, sa famille, son gramophone et son âme. La tension et la détente, l’activité et l’amour ont tous leurs moments distincts, calculés sur la base de minutieuses expériences de laboratoire. Si une difficulté se présente dans l’une ou l’autre de ces activités, rien de plus simple : on l’abandonne ; ou bien on en trouvera une autre, ou bien, à l’occasion, on découvrira une meilleure issue ; et si on passe à côté, un autre saura bien la voir ; dans tout cela, aucune perte, alors que rien n’écorne l’énergie commune autant que la prétention d’avoir une mission personnelle et le refus de s’écarter de son but. Dans une communauté constamment irriguée d’énergie, tous les chemins mènent à un but estimable, pourvu que l’on n’hésite ni ne réfléchisse trop longtemps. Les buts sont à courte distance ; mais la vie aussi est courte ; on lui prend ainsi le maximum de résultats, et il n’en faut pas plus à l’homme pour être heureux, car l’âme est formée par ce qu’elle atteint, alors que ce qu’elle poursuit sans y atteindre la déforme ; pour le bonheur, ce qui compte n’est pas ce que l’on veut ; mais d’atteindre ce que l’on veut. D’ailleurs, la zoologie enseigne que la sommation d’individus diminués peut parfaitement donner un total génial.
Il n’est pas du tout sûr que les choses doivent évoluer ainsi, mais ces imaginations font partie des rêves de voyage dans lesquels se reflète l’impression de mouvement incessant qui nous entraîne. Ils sont superficiels, brefs et agités. Dieu sait ce qui réellement se produira. On serait tenté de croire que nous avons à chaque minute le commencement en main, et que nous devrions tirer des plans pour l’humanité. Si la chimère de la vitesse nous déplaît, créons-en une autre, par exemple très lente, un bonheur mystérieux comme le serpent de mer, flottant comme des voiles, et ce profond regard de vache dont les Grecs déjà s’engouèrent ! Mais il n’en va nullement ainsi. C’est la chose qui nous a en main. Jour et nuit, on voyage en elle, et l’on en fait bien d’autres : on s’y rase, on y mange, on y aime, on y lit des livres, on y exerce sa profession comme si les quatre murs étaient immobiles, mais l’inquiétant, c’est que les murs bougent sans qu’on s’en aperçoive et qu’ils projettent leurs rails en avant d’eux-mêmes comme de longs fils qui se recourbent en tâtonnant, sans qu’on sache jamais où ils vont. Et par-dessus le marché, on voudrait encore, si possible, être l’une des forces qui déterminent le train du temps ! Voilà un rôle bien équivoque, et il arrive que le paysage, si l’on regarde au-dehors après un intervalle suffisant, ait changé ; ce qui file devant nos yeux file parce qu’il n’en peut être autrement ; mais, si résigné que l’on soit, on ne peut faire qu’un sentiment désagréable ne prenne de plus en plus de force, comme si l’on avait dépassé le but ou que l’on se fût trompé de voie. Un beau jour, en tempête, un besoin vous envahit : descendre ! sauter du train ! Nostalgie d’être arrêté, de ne pas se développer, de rester immobile ou de revenir au point qui précédait le mauvais embranchement ! Et dans le bon vieux temps, quand l’empire d’Autriche existait encore, il n’y avait alors qu’à quitter le train du temps, à prendre place dans un train tout court, et à rentrer dans sa patrie.
Là, en Cacanie, dans cet État depuis lors disparu et resté incompris qui fut sur tant de points, sans qu’on lui en rende justice, exemplaire, il y avait aussi du « dynamisme », mais point de trop. Chaque fois qu’on repensait à ce pays de l’étranger, venait flotter devant vos yeux le souvenir de ses routes larges, blanches, prospères, datant de l’époque de la marche à pied et des malles-postes, qui le sillonnaient en tous sens, fleuves d’ordre, clairs rubans de coutil militaire, bras administratifs, couleur de papier timbré, étreignant les provinces… Et quelles provinces ! Il y avait les glaciers et la mer, le Karst et les champs de blé bohêmes, les nuits au bord de l’Adriatique, grésillantes de l’activité des grillons, et les villages slovaques où la fumée sortait des cheminées comme d’un nez retroussé, où les maisons étaient tapies entre deux collines comme si la terre avait entrouvert ses lèvres afin d’y réchauffer son enfant. Naturellement, il y avait aussi des automobiles sur ces routes ; mais pas trop. Ici aussi, l’on préparait la conquête de l’air ; mais point trop intensivement. De loin en loin, point trop souvent, l’on envoyait un bateau en Amérique du Sud ou dans l’Extrême-Orient. On n’avait nulle ambition économique, nul rêve d’hégémonie ; on était installé au centre de l’Europe, au croisement des vieux axes du monde ; les mots de colonie et d’outre-mer ne rendaient encore qu’un son lointain et comme trop neuf. On déployait quelque luxe ; mais en se gardant d’y mettre le raffinement des Français. On pratiquait les sports ; mais avec moins d’extravagance que les Anglo-Saxons. On dépensait pour l’armée des sommes considérables ; juste assez cependant pour être sûr de rester l’avant-dernière des Grandes puissances. La capitale elle-même était un rien plus petite que les plus grandes métropoles du monde, et pourtant considérablement plus grande que ne le sont de simples « grandes villes ». Et ce pays était administré d’une manière éclairée, à peine sensible, tous les angles prudemment arrondis, par la meilleure bureaucratie d’Europe, à qui l’on ne pouvait reprocher qu’une seule faute : qu’elle vît dans le génie et les initiatives géniales des particuliers, s’ils n’en avaient pas reçu le privilège de par leur haute naissance ou quelque mission officielle, une attitude impertinente et une sorte d’usurpation. Mais y a‑t‑il personne qui aime voir des incompétents se mêler de ses affaires ? Et puis au moins, en Cacanie, on se bornait à tenir les génies pour des paltoquets : jamais on n’eût, comme ailleurs, tenu le paltoquet pour un génie.
Sur cette Cacanie maintenant engloutie, que de choses curieuses seraient à dire ! Elle était, par exemple, kaiserlich-königlich (impériale-royale) et aussi bien kaiserlich und königlich (impériale et royale) ; il n’était chose ni personne qui ne fût affectée là-bas de l’un de ces deux sigles, k. k. ou k. u. k. ; il n’en fallait pas moins disposer d’une science secrète pour pouvoir décider à coup sûr quelles institutions et quels hommes pouvaient être dits k. k., et quels autres k. u. k. Elle s’appelait, par écrit, Monarchie austro-hongroise, et se faisait appeler, oralement, l’Autriche : nom qu’elle avait officiellement et solennellement abjuré, mais conservait dans les affaires de cœur, comme pour prouver que les sentiments ont autant d’importance que le droit public, et que les prescriptions n’ont rien à voir avec le véritable sérieux de la vie. La Constitution était libérale, mais le régime clérical. Le régime était clérical, mais les habitants libres penseurs. Tous les bourgeois étaient égaux devant la loi, mais justement, tous n’étaient pas bourgeois.
Le Parlement faisait de sa liberté un usage si impétueux qu’on préférait d’ordinaire le tenir fermé ; mais l’on avait aussi une loi d’exception qui permettait de se passer du Parlement ; et chaque fois que l’État tout entier se préparait à jouir des bienfaits de l’absolutisme, la Couronne décrétait qu’on allait recommencer à vivre sous le régime parlementaire. Parmi nombre de singularités du même ordre, il faut citer aussi les dissensions nationales qui attiraient sur elles, à juste titre, l’attention de toute l’Europe, et que les historiens d’aujourd’hui défigurent. Ces dissensions étaient si violentes que la machine de l’État s’enrayait plusieurs fois par année à cause d’elles ; mais dans ces intervalles et ces repos de l’État, chacun s’en tirait à merveille, et l’on faisait comme si de rien n’était. D’ailleurs, il n’y avait rien eu de réel. Il y avait simplement que cette aversion de tout homme pour les efforts de son prochain dans laquelle nous communions tous aujourd’hui, s’était fait jour très tôt dans cet État pour atteindre à une sorte de cérémonial sublimé qui eût pu avoir de grandes conséquences si son évolution n’avait pas été prématurément interrompue par une catastrophe.
Ce n’était pas seulement, en effet, que l’aversion pour le concitoyen se fût élevée là-bas au niveau d’un sentiment de communauté, mais encore que la méfiance envers soi-même, envers son propre destin, y avait pris le caractère d’une profonde assurance. En ce pays (et parfois jusqu’au plus haut point de passion, et jusque dans ses extrêmes conséquences), on agissait toujours autrement qu’on ne pensait, ou on pensait autrement qu’on n’agissait. Des observateurs mal informés ont pris cela pour du charme, ou même pour une faiblesse de ce qu’ils croyaient être le caractère autrichien. C’était faux ; il est toujours faux de vouloir expliquer les phénomènes d’un pays à travers le caractère de ses habitants. Car l’habitant d’un pays a toujours au moins neuf caractères : un caractère professionnel, un caractère de classe, un caractère sexuel, un caractère national, un caractère politique, un caractère géographique, un caractère conscient, un inconscient, et peut-être même encore, un caractère privé ; il les réunit dans sa personne, mais s’en trouve dissocié, et n’est plus finalement qu’un petit vallon creusé par cette multitude de cours d’eau, vallon dans lequel ils viennent s’écouler pour en ressortir ensuite et remplir d’autres vallons avec d’autres ruisselets. C’est pourquoi tout habitant de la terre possède encore un dixième caractère, qui n’est rien d’autre que l’imagination passive d’espaces non encore remplis ; ce caractère donne à l’homme toutes les libertés, sauf une : celle de prendre au sérieux ce que font ses autres caractères (neuf pour le moins), et ce qui leur arrive ; donc, en d’autres termes, la seule liberté, précisément, qui pourrait remplir cet espace. Cet espace, dont il faut avouer qu’il n’est pas facile à décrire, sera coloré et formé autrement en Italie qu’en Angleterre, parce que tout ce qui se détache sur son fond possède une autre forme et une autre couleur ; et pourtant, il reste le même, ici comme ailleurs, c’est-à-dire précisément un espace invisible et vide dans lequel la réalité se dresse comme une petite ville de jeu de construction abandonnée par l’imagination.
Dans la mesure où le fait peut devenir visible à tous les yeux, voilà ce qui s’était passé en Cacanie, voilà en quoi la Cacanie, sans que le monde le sût encore, s’affirmait l’État le plus avancé ; c’était un État qui ne subsistait plus que par la force de l’habitude, on y jouissait d’une liberté purement négative, dans la conscience continuelle des raisons insuffisantes de sa propre existence et baigné par la grande vision de ce qui ne s’est point passé, ou point irrévocablement du moins, comme par l’haleine des Océans dont l’humanité est sortie.
Es ist passiert, disait-on là-bas, quand d’autres gens croyaient ailleurs que Dieu sait quoi avait eu lieu ; c’était un terme singulier, qui n’apparaît nulle part ailleurs, ni en allemand ni dans une autre langue, et dans le souffle duquel les faits et les coups du sort devenaient aussi légers que des pensées, ou du duvet. Oui, malgré tout ce qui parle en sens contraire, la Cacanie était peut-être, après tout, un pays pour génies ; et sans doute fut-ce aussi sa ruine.
In dem Alter, wo man noch alle Schneider- und Barbierangelegenheiten wichtig nimmt und gerne in den Spiegel blickt, stellt man sich oft auch einen Ort vor, wo man sein Leben zubringen möchte, oder wenigstens einen Ort, wo es Stil hat, zu verweilen, selbst wenn man fühlt, daß man für seine Person nicht gerade gern dort wäre. Eine solche soziale Zwangsvorstellung ist nun schon seit langem eine Art überamerikanische Stadt, wo alles mit der Stoppuhr in der Hand eilt oder stillsteht. Luft und Erde bilden einen Ameisenbau, von den Stockwerken der Verkehrsstraßen durchzogen. Luftzüge, Erdzüge, Untererdzüge, Rohrpostmenschensendungen, Kraftwagenketten rasen horizontal, Schnellaufzüge pumpen vertikal Menschenmassen von einer Verkehrsebene in die andre ; man springt an den Knotenpunkten von einem Bewegungsapparat in den andern, wird von deren Rhythmus, der zwischen zwei losdonnernden Geschwindigkeiten eine Synkope, eine Pause, eine kleine Kluft von zwanzig Sekunden macht, ohne Überlegung angesaugt und hineingerissen, spricht hastig in den Intervallen dieses allgemeinen Rhythmus miteinander ein paar Worte. Fragen und Antworten klinken ineinander wie Maschinenglieder, jeder Mensch hat nur ganz bestimmte Aufgaben, die Berufe sind an bestimmten Orten in Gruppen zusammengezogen, man ißt während der Bewegung, die Vergnügungen sind in andern Stadtteilen zusammengezogen, und wieder anderswo stehen die Türme, wo man Frau, Familie, Grammophon und Seele findet. Spannung und Abspannung, Tätigkeit und Liebe werden zeitlich genau getrennt und nach gründlicher Laboratoriumserfahrung ausgewogen. Stößt man bei irgendeiner dieser Tätigkeiten auf Schwierigkeit, so läßt man die Sache einfach stehen ; denn man findet eine andre Sache oder gelegentlich einen besseren Weg, oder ein andrer findet den Weg, den man verfehlt hat ; das schadet gar nichts, während durch nichts so viel von der gemeinsamen Kraft verschleudert wird wie durch die Anmaßung, daß man berufen sei, ein bestimmtes persönliches Ziel nicht locker zu lassen. In einem von Kräften durchflossenen Gemeinwesen führt jeder Weg an ein gutes Ziel, wenn man nicht zu lange zaudert und überlegt. Die Ziele sind kurz gesteckt ; aber auch das Leben ist kurz, man gewinnt ihm so ein Maximum des Erreichens ab, und mehr braucht der Mensch nicht zu seinem Glück, denn was man erreicht, formt die Seele, während das, was man ohne Erfüllung will, sie nur verbiegt ; für das Glück kommt es sehr wenig auf das an, was man will, sondern nur darauf, daß man es erreicht. Außerdem lehrt die Zoologie, daß aus einer Summe von reduzierten Individuen sehr wohl ein geniales Ganzes bestehen kann.
Es ist gar nicht sicher, daß es so kommen muß, aber solche Vorstellungen gehören zu den Reiseträumen, in denen sich das Gefühl der rastlosen Bewegung spiegelt, die uns mit sich führt. Sie sind oberflächlich, unruhig und kurz. Weiß Gott, was wirklich werden wird. Man sollte meinen, daß wir in jeder Minute den Anfang in der Hand haben und einen Plan für uns alle machen müßten. Wenn uns die Sache mit den Geschwindigkeiten nicht gefällt, so machen wir doch eine andre ! Zum Beispiel eine ganz langsame, mit einem schleierig wallenden, meerschneckenhaft geheimnisvollen Glück und dem tiefen Kuhblick, von dem schon die Griechen geschwärmt haben. Aber so ist es ganz und gar nicht. Die Sache hat uns in der Hand. Man fährt Tag und Nacht in ihr und tut auch noch alles andre darin ; man rasiert sich, man ißt, man liebt, man liest Bücher, man übt seinen Beruf aus, als ob die vier Wände stillstünden, und das Unheimliche ist bloß, daß die Wände fahren, ohne daß man es merkt, und ihre Schienen vorauswerfen, wie lange, tastend gekrümmte Fäden, ohne daß man weiß wohin. Und überdies will man ja womöglich selbst noch zu den Kräften gehören, die den Zug der Zeit bestimmen. Das ist eine sehr unklare Rolle, und es kommt vor, wenn man nach längerer Pause hinaussieht, daß sich die Landschaft geändert hat ; was da vorbeifliegt, fliegt vorbei, weil es nicht anders sein kann, aber bei aller Ergebenheit gewinnt ein unangenehmes Gefühl immer mehr Gewalt, als ob man über das Ziel hinausgefahren oder auf eine falsche Strecke geraten wäre. Und eines Tages ist das stürmische Bedürfnis da : Aussteigen ! Abspringen ! Ein Heimweh nach Aufgehaltenwerden, Nichtsichentwickeln, Steckenbleiben, Zurückkehren zu einem Punkt, der vor der falschen Abzweigung liegt ! Und in der guten alten Zeit, als es das Kaisertum Österreich noch gab, konnte man in einem solchen Falle den Zug der Zeit verlassen, sich in einen gewöhnlichen Zug einer gewöhnlichen Eisenbahn setzen und in die Heimat zurückfahren.
Dort, in Kakanien, diesem seither untergegangenen, unverstandenen Staat, der in so vielem ohne Anerkennung vorbildlich gewesen ist, gab es auch Tempo, aber nicht zuviel Tempo. So oft man in der Fremde an dieses Land dachte, schwebte vor den Augen die Erinnerung an die weißen, breiten, wohlhabenden Straßen aus der Zeit der Fußmärsche und Extraposten, die es nach allen Richtungen wie Flüsse der Ordnung, wie Bänder aus heilem Soldatenzwillich durchzogen und die Länder mit dem papierweißen Arm der Verwaltung umschlangen. Und was für Länder ! Gletscher und Meer, Karst und böhmische Kornfelder gab es dort, Nächte an der Adria, zirpend von Grillenunruhe, und slowakische Dörfer, wo der Rauch aus den Kaminen wie aus aufgestülpten Nasenlöchern stieg und das Dorf zwischen zwei kleinen Hügeln kauerte, als hätte die Erde ein wenig die Lippen geöffnet, um ihr Kind dazwischen zu wärmen. Natürlich rollten auf diesen Straßen auch Automobile ; aber nicht zuviel Automobile ! Man bereitete die Eroberung der Luft vor, auch hier ; aber nicht zu intensiv. Man ließ hie und da ein Schiff nach Südamerika oder Ostasien fahren ; aber nicht zu oft. Man hatte keinen Weltwirtschafts- und Weltmachtehrgeiz ; man saß im Mittelpunkt Europas, wo die alten Weltachsen sich schneiden ; die Worte Kolonie und Übersee hörte man an wie etwas noch gänzlich Unerprobtes und Fernes. Man entfaltete Luxus ; aber beileibe nicht so überfeinert wie die Franzosen. Man trieb Sport ; aber nicht so närrisch wie die Angelsachsen. Man gab Unsummen für das Heer aus ; aber doch nur gerade so viel, daß man sicher die zweitschwächste der Großmächte blieb. Auch die Hauptstadt war um einiges kleiner als alle andern größten Städte der Welt, aber doch um ein Erkleckliches größer, als es bloß Großstädte sind. Und verwaltet wurde dieses Land in einer aufgeklärten, wenig fühlbaren, alle Spitzen vorsichtig beschneidenden Weise von der besten Bürokratie Europas, der man nur einen Fehler nachsagen konnte : sie empfand Genie und geniale Unternehmungssucht an Privatpersonen, die nicht durch hohe Geburt oder einen Staatsauftrag dazu privilegiert waren, als vorlautes Benehmen und Anmaßung. Aber wer ließe sich gerne von Unbefugten dreinreden ! Und in Kakanien wurde überdies immer nur ein Genie für einen Lümmel gehalten, aber niemals, wie es anderswo vorkam, schon der Lümmel für ein Genie.
Überhaupt, wie vieles Merkwürdige ließe sich über dieses versunkene Kakanien sagen ! Es war zum Beispiel kaiserlich-königlich und war kaiserlich und königlich ; eines der beiden Zeichen k.k. oder k.u.k. trug dort jede Sache und Person, aber es bedurfte trotzdem einer Geheimwissenschaft, um immer sicher unterscheiden zu können, welche Einrichtungen und Menschen k.k. und welche k.u.k. zu rufen waren. Es nannte sich schriftlich Österreichisch-Ungarische Monarchie und ließ sich mündlich Österreich rufen ; mit einem Namen also, den es mit feierlichem Staatsschwur abgelegt hatte, aber in allen Gefühlsangelegenheiten beibehielt, zum Zeichen, daß Gefühle ebenso wichtig sind wie Staatsrecht und Vorschriften nicht den wirklichen Lebensernst bedeuten. Es war nach seiner Verfassung liberal, aber es wurde klerikal regiert. Es wurde klerikal regiert, aber man lebte freisinnig. Vor dem Gesetz waren alle Bürger gleich, aber nicht alle waren eben Bürger. Man hatte ein Parlament, welches so gewaltigen Gebrauch von seiner Freiheit machte, daß man es gewöhnlich geschlossen hielt ; aber man hatte auch einen Notstandsparagraphen, mit dessen Hilfe man ohne das Parlament auskam, und jedesmal, wenn alles sich schon über den Absolutismus freute, ordnete die Krone an, daß nun doch wieder parlamentarisch regiert werden müsse. Solcher Geschehnisse gab es viele in diesem Staat, und zu ihnen gehörten auch jene nationalen Kämpfe, die mit Recht die Neugierde Europas auf sich zogen und heute ganz falsch dargestellt werden. Sie waren so heftig, daß ihretwegen die Staatsmaschine mehrmals im Jahr stockte und stillstand, aber in den Zwischenzeiten und Staatspausen kam man ausgezeichnet miteinander aus und tat, als ob nichts gewesen wäre. Und es war auch nichts Wirkliches gewesen. Es hatte sich bloß die Abneigung jedes Menschen gegen die Bestrebungen jedes andern Menschen, in der wir heute alle einig sind, in diesem Staat schon früh, und man kann sagen, zu einem sublimierten Zeremoniell ausgebildet, das noch große Folgen hätte haben können, wenn seine Entwicklung nicht durch eine Katastrophe vor der Zeit unterbrochen worden wäre.
Denn nicht nur die Abneigung gegen den Mitbürger war dort bis zum Gemeinschaftsgefühl gesteigert, sondern es nahm auch das Mißtrauen gegen die eigene Person und deren Schicksal den Charakter tiefer Selbstgewißheit an. Man handelte in diesem Land – und mitunter bis zu den höchsten Graden der Leidenschaft und ihren Folgen immer anders, als man dachte, oder dachte anders, als man handelte. Unkundige Beobachter haben das für Liebenswürdigkeit oder gar für Schwäche des ihrer Meinung nach österreichischen Charakters gehalten. Aber das war falsch ; und es ist immer falsch, die Erscheinungen in einem Land einfach mit dem Charakter seiner Bewohner zu erklären. Denn ein Landesbewohner hat mindestens neun Charaktere, einen Berufs‑, einen National‑, einen Staats‑, einen Klassen‑, einen geographischen, einen Geschlechts‑, einen bewußten, einen unbewußten und vielleicht auch noch einen privaten Charakter ; er vereinigt sie in sich, aber sie lösen ihn auf, und er ist eigentlich nichts als eine kleine, von diesen vielen Rinnsalen ausgewaschene Mulde, in die sie hineinsickern und aus der sie wieder austreten, um mit andern Bächlein eine andre Mulde zu füllen. Deshalb hat jeder Erdbewohner auch noch einen zehnten Charakter, und dieser ist nichts als die passive Phantasie unausgefüllter Räume ; er gestattet dem Menschen alles, nur nicht das eine : das ernst zu nehmen, was seine mindestens neun andern Charaktere tun und was mit ihnen geschieht ; also mit andern Worten, gerade das nicht, was ihn ausfüllen sollte. Dieser, wie man zugeben muß, schwer zu beschreibende Raum ist in Italien anders gefärbt und geformt als in England, weil das, was sich von ihm abhebt, andre Farbe und Form hat, und ist doch da und dort der gleiche, eben ein leerer, unsichtbarer Raum, in dem die Wirklichkeit darinsteht wie eine von der Phantasie verlassene kleine Steinbaukastenstadt.
Soweit das nun überhaupt allen Augen sichtbar werden kann, war es in Kakanien geschehen, und darin war Kakanien, ohne daß die Welt es schon wußte, der fortgeschrittenste Staat ; es war der Staat, der sich selbst irgendwie nur noch mitmachte, man war negativ frei darin, ständig im Gefühl der unzureichenden Gründe der eigenen Existenz und von der großen Phantasie des Nichtgeschehenen oder doch nicht unwiderruflich Geschehenen wie von dem Hauch der Ozeane umspült, denen die Menschheit entstieg.
Es ist passiert, sagte man dort, wenn andre Leute anderswo glaubten, es sei wunder was geschehen ; das war ein eigenartiges, nirgendwo sonst im Deutschen oder einer andern Sprache vorkommendes Wort, in dessen Hauch Tatsachen und Schicksalsschläge so leicht wurden wie Flaumfedern und Gedanken. Ja, es war, trotz vielem, was dagegen spricht, Kakanien vielleicht doch ein Land für Genies ; und wahrscheinlich ist es daran auch zugrunde gegangen.