[Ulrich] n’était pas philosophe. Les philosophes sont des violents qui, faute d’armée à leur disposition, se soumettent le monde en l’enfermant dans un système. Probablement est-ce aussi la raison pour laquelle les époques de tyrannie ont vu naître de grandes figures philosophiques, alors que les époques de démocratie et de civilisation avancée ne réussissent pas à produire une seule philosophie convaincante, du moins dans la mesure où l’on en peut juger par les regrets que l’on entend communément exprimer sur ce point. C’est pourquoi la philosophie au détail est pratiquée aujourd’hui en si terrifiante abondance qu’il n’est plus guère que les magasins où l’on puisse recevoir quelque chose sans conception du monde par-dessus le marché, alors qu’il règne à l’égard de la philosophie en gros une méfiance marquée. On la tient même carrément pour impossible. Ulrich lui-même n’était nullement exempt de ce préjugé, et ses expériences scientifiques le rendaient un peu moqueur à l’égard des métaphysiques. C’était cela qui commandait son attitude, de sorte que, perpétuellement requis de réfléchir par ce qu’il voyait, il était toujours retenu par une certaine crainte de penser trop. Mais un autre élément déterminait son attitude : il y avait quelque chose, dans la nature d’Ulrich, qui agissait d’une manière distraite, paralysante, désarmante, contre la systématisation logique, contre la volonté univoque, contre les poussées trop nettement orientées de l’ambition, et ce quelque chose se rattachait aussi à ce mot d’essayisme choisi naguère, bien que cela contînt précisément les éléments qu’il avait exclus peu à peu, avec un soin inconscient, de cette notion. La traduction du mot français « essai » par le mot allemand Versuch, telle qu’on l’admet généralement, ne respecte pas suffisamment l’allusion essentielle au modèle littéraire ; un essai n’est pas l’expression provisoire ou accessoire d’une conviction qu’une meilleure occasion permettrait d’élever au rang de vérité, mais qui pourrait tout aussi bien se révéler erreur (à cette espèce n’appartiennent que les articles et traités dont les doctes nous favorisent comme des « déchets de leur atelier ») ; un essai est la forme unique et inaltérable qu’une pensée décisive fait prendre à la vie intérieure d’un homme. Rien n’est plus étranger à l’essai que l’irresponsabilité et l’inachèvement des inspirations qui relèvent de la subjectivité ; pourtant les notions de « vérité » et d’« erreur », d’« intelligence » ou de « sottise » ne sont pas applicables à ces pensées soumises à des lois non moins strictes qu’apparemment subtiles et ineffables. Assez nombreux furent ces essayistes-là, ces maîtres du flottement intérieur de la vie ; il n’y aurait aucun intérêt à les nommer ; leur domaine se situe entre la religion et le savoir, entre l’exemple et la doctrine, entre l’amor intellectualis et le poème ; ce sont des saints avec ou sans religion et parfois aussi, simplement, des hommes égarés dans telle ou telle aventure.
D’ailleurs, rien n’est plus révélateur que l’expérience involontaire de ces tentatives, érudites et raisonnables, pour expliquer l’œuvre de ces grands essayistes, pour transformer leur sens de la vie, tel qu’ils l’exposent, en une théorie de la vie, et pour trouver un « contenu » à ce mouvement d’esprits émus ; de tout cela, il ne reste guère plus alors que la délicate architecture de couleurs d’une méduse après qu’on l’a tirée de l’eau et déposée sur le sable. Dans la raison des non-inspirés, la doctrine des inspirés tombe en poussière, contradictions et non-sens ; pourtant, il ne faut pas dire qu’elle est délicate et incapable de vivre, ou alors il faudrait dire aussi d’un éléphant qu’il est délicat, puisqu’il ne peut subsister dans un espace privé d’air et qui ne répond pas aux exigences de sa nature. Il serait tout à fait déplorable que ces descriptions évoquent un mystère, ou ne fût-ce qu’une musique où dominent les notes de la harpe et le soupir des glissandi. C’est le contraire qui est vrai, et la question fondamentale, Ulrich ne se la posait pas seulement sous la forme de pressentiments, mais aussi, tout à fait prosaïquement, sous la forme suivante : un homme qui cherche la vérité se fait savant ; un homme qui veut laisser sa subjectivité s’épanouir devient, peut-être, écrivain ; mais que doit faire un homme qui cherche quelque chose situé entre deux ?
De ce qui est ainsi « entre deux », toute sentence morale nous peut donner un exemple, même la plus simple et la plus connue, comme : Tu ne tueras point. On voit au premier coup d’œil que ce n’est là ni une vérité, ni une constatation subjective. On sait qu’à bien des égards, nous nous y conformons strictement, mais que, à d’autres égards, certaines exceptions sont admises, très nombreuses même, et pourtant précisément définies. Mais il existe un très grand nombre de cas d’une troisième espèce, par exemple dans nos rêveries, nos désirs, dans les pièces de théâtre ou dans le plaisir que l’on prend à lire les nouvelles des journaux ; nous y errons de la manière la moins réglementée qui soit entre la répulsion et l’attirance. On nomme parfois exigence ce qui n’est ni une vérité ni une constatation purement subjective. On a rattaché cette exigence aux dogmes de la religion et de la loi, on lui a donné le caractère d’une vérité dérivée, mais les romanciers, en nous en présentant les exceptions, depuis le sacrifice d’Abraham jusqu’à la dernière vamp meurtrière de son amant, la réduisent de nouveau en pure subjectivité. Ainsi donc, ou bien on s’accroche aux pieux, ou bien on se laisse ballotter par la lame entre deux ; mais dans quel sentiment ? Le sentiment qu’éprouve l’être humain pour ce précepte du Décalogue est un mélange d’obéissance bornée (y compris la « saine nature » qui se hérisse à la seule idée d’un tel acte, mais qui le commettra néanmoins pour peu qu’elle ait été légèrement détraquée par l’alcool ou la passion), et un barbotement inconscient dans une houle de possibles. N’y a‑t‑il vraiment pas d’autre manière de comprendre ce commandement ? Ulrich sentait qu’un homme qui désirerait de toute son âme un certain acte, ne saurait ainsi ni s’il doit le commettre, ni s’il doit s’en abstenir. Pourtant, il pressentait qu’on devait pouvoir, de tout son être, le commettre ou non. Ni les inspirations ni les interdictions ne lui plaisaient. Le rattachement de toutes choses à une loi supérieure ou intérieure à l’homme éveillait son esprit critique. Davantage même : à ses yeux, c’était dévaluer un instant de certitude que de vouloir à tout prix lui donner une généalogie. Dans tout cela, son cœur restait muet, et sa tête seule parlait ; il devinait qu’il devait y avoir un moyen de faire coïncider sa décision et son bonheur. Il pourrait être heureux parce qu’il ne tuerait pas, ou parce qu’il tuerait, mais jamais il ne pourrait être l’exécuteur indifférent d’un ordre qu’on lui aurait donné. Ce qu’il éprouvait à ce moment-là, ce n’était pas de recevoir un ordre, mais d’entrer dans un ordre ; il comprenait que dans cet ordre neuf, tout était déjà décidé, et les sens apaisés comme par le lait maternel. Ce qui lui soufflait cela, ce n’était plus la pensée, ce n’était pas non plus le sentiment à sa manière habituelle, fragmentaire ; c’était une « compréhension totale ». Et puis, de nouveau, ce n’était plus qu’une nouvelle apportée de très loin par le vent : elle ne lui semblait ni vraie ni fausse, ni raisonnable ni déraisonnable, elle le saisissait, comme si quelque légère et bienheureuse exagération était entrée doucement dans son cœur.
Pas plus qu’on ne peut faire des parties authentiques d’un essai une seule vérité, on ne peut tirer d’un tel état une conviction ; du moins pas sans devoir aussitôt l’abandonner, comme un amant doit sortir de son amour pour le décrire. L’émotion sans limites qui ébranlait parfois Ulrich sans le faire agir pour autant, contredisait son besoin d’activité, son désir de limite et de forme. Sans doute est-il juste et naturel que l’on veuille savoir avant de laisser la parole au sentiment. Sans le vouloir, il s’imaginait que ce qu’il désirait trouver un jour, bien que ce ne dût pas être « la » vérité, ne lui céderait rien sous le rapport de la stabilité ; mais dans son cas particulier, cette attente le faisait ressembler à un homme qui, dans le temps même où il se procure tout un équipement, perd peu à peu le goût de s’en servir. À quelque moment qu’on lui eût demandé, lorsqu’il travaillait à ses traités mathématiques ou logico-mathématiques ou s’occupait de sciences naturelles, quel but il avait présent à l’esprit, il eût toujours répondu qu’un seul problème méritait réellement qu’on y pensât, celui de la vie juste. Mais quand on élève une prétention très longtemps sans que rien ne se passe, le cerveau s’endort exactement comme s’endort le bras qui doit tenir quelque chose en l’air pendant des heures ; et nos pensées ne peuvent pas plus rester perpétuellement debout que les soldats à la parade, en été ; quand elles doivent trop attendre, elles perdent connaissance et s’écroulent. Comme Ulrich avait achevé l’esquisse de sa philosophie aux environs de sa vingt-sixième année, arrivé dans sa trente-deuxième, il ne la trouvait plus tout à fait sincère. Il n’avait pas continué à développer ses pensées, et, à part un vague sentiment de tension pareil à celui que l’on éprouve quand on attend quelque chose les yeux fermés, on ne lui avait pas vu beaucoup d’émotions personnelles depuis les jours des premières tremblantes découvertes. Néanmoins, c’était probablement un mouvement souterrain de ce genre qui le freinait dans son travail scientifique et l’empêchait d’y consacrer toute sa force de volonté. Cela créa en lui un curieux schisme. On ne doit pas oublier que l’attitude exacte est, au fond, plus religieuse que l’attitude esthétique ; car elle se soumettrait à « Lui » pour peu qu’Il daignât se montrer à elle dans les conditions qu’elle exige pour reconnaître Son caractère de fait, alors que nos beaux esprits, s’il se manifestait, trouveraient seulement que Son talent n’est pas suffisamment original, Sa vision du monde pas suffisamment intelligible pour qu’ils puissent Le placer au même niveau que certaines personnalités douées d’un génie réellement divin. Ulrich n’aurait donc pu s’abandonner à de vagues pressentiments aussi facilement qu’un quelconque bel esprit ; mais il ne pouvait pas davantage se dissimuler qu’en vivant pendant des années dans l’exactitude pure il avait simplement vécu contre lui-même et il souhaitait que quelque chose d’imprévu lui arrivât ; lorsqu’il se décida à ce qu’il appelait un peu railleusement son « congé de la vie », il ne possédait rien dans l’une comme dans l’autre direction qui lui donnât la paix du cœur.
Peut-être pourrait-on alléguer à sa décharge que, dans certaines années, la vie passe incroyablement vite. Mais le jour où l’on doit commencer à vivre sa dernière volonté précède de beaucoup celui où l’on devra en léguer le restant, et ne peut être différé. Ce fait était devenu pour Ulrich d’une menaçante clarté depuis qu’une moitié d’année ou presque s’était écoulée sans que rien changeât. Tandis qu’il se laissait porter de-ci de-là au sein de la petite activité stupide dont il s’était chargé, parlant, aimant à trop parler, vivant avec l’obstination désespérée d’un pêcheur qui plonge ses filets dans un fleuve vide, tandis qu’il ne faisait rien qui correspondît à la personne que malgré tout il représentait, et qu’intentionnellement il ne faisait rien, il attendait. Il attendait derrière sa personne, dans la mesure où ce terme définit la partie de l’homme qui se laisse former par le monde extérieur et le cours de la vie, et son tranquille désespoir, endigué derrière, montait chaque jour un peu plus haut. Il traversait la pire calamité de sa vie et se méprisait pour ses omissions. Les grandes épreuves sont-elles le privilège des grandes natures ? Il eût aimé le croire, mais ce n’est pas exact, car les nerveux les plus communs ont aussi leurs crises. Dans ce profond ébranlement, il ne lui restait donc plus rien que ce noyau inébranlable que possèdent tous les héros et tous les criminels : ce n’est pas du courage, ce n’est pas de la volonté, ce n’est pas de l’assurance, ce n’est que le pouvoir tenace de s’accrocher à soi-même, pouvoir qu’il est aussi difficile d’extirper de soi que la vie du corps d’un chat, même quand il est déjà complètement déchiqueté par les chiens.
Si l’on veut se représenter comment vit un tel homme lorsqu’il se retrouve seul, tout ce qu’on peut raconter est que les vitres illuminées de ses fenêtres, la nuit, semblent observer sa chambre, et les pensées, après usage, se tiennent assises en rond tout autour de la pièce comme les clients dans la salle d’attente d’un avocat dont ils ne sont pas satisfaits. Ou peut-être qu’Ulrich, une de ces nuits-là, ouvrit les fenêtres et regarda les troncs d’arbre, glabres comme des serpents, leurs sinuosités étrangement noires et polies entre la couche de neige de leurs cimes et celle du sol, et ressentit brusquement le désir de descendre, tel qu’il était, en pyjama dans le jardin ; il voulait sentir le froid dans ses cheveux. Lorsqu’il fut en bas, il éteignit la lumière pour ne pas se trouver devant la porte éclairée ; son bureau seul faisait avancer dans l’ombre une toiture de lumière. Une allée menait à la grille du portail qui donnait sur la rue, une autre la croisait, obscurément visible. Ulrich s’avança longuement sur celle-ci. Alors, l’obscurité qui s’élevait entre les couronnes des arbres lui rappela soudain, fantastiquement, la silhouette gigantesque de Moosbrugger, et les arbres nus lui apparurent curieusement corporels ; répugnants, mouillés comme des vers, et pourtant tels qu’on eût voulu les étreindre et s’affaisser à leur pied, le visage baigné de larmes. Mais il ne le fit pas. La sentimentalité de son émotion le repoussa dans le même temps qu’elle l’atteignait. À travers l’écume laiteuse du brouillard passaient à cet instant devant la grille du jardin des piétons attardés, et ils l’auraient sans doute pris pour un fou s’ils avaient vu comment sa silhouette, dans son pyjama rouge entre les troncs noirs, maintenant se détachait des arbres. Il reprit l’allée d’un pas ferme et regagna sa maison, relativement satisfait : car si quelque chose était pour lui en réserve, ce devait être assurément d’un tout autre ordre.
Er war kein Philosoph. Philosophen sind Gewalttäter, die keine Armee zur Verfügung haben und sich deshalb die Welt in der Weise unterwerfen, daß sie sie in ein System sperren. Wahrscheinlich ist das auch der Grund dafür, daß es in den Zeiten der Tyrannis große philosophische Naturen gegeben hat, während es in den Zeiten der fortgeschrittenen Zivilisation und Demokratie nicht gelingt, eine überzeugende Philosophie hervorzubringen, wenigstens soweit sich das nach dem Bedauern beurteilen läßt, das man allgemein darüber äußern hört. Darum wird heute in kurzen Stücken erschreckend viel philosophiert, so daß es gerade nur noch die Kaufläden gibt, wo man ohne Weltanschauung etwas bekommt, während gegen große Stücke Philosophie ein ausgesprochenes Mißtrauen herrscht. Man hält sie einfach für unmöglich, und auch Ulrich war keineswegs frei davon, ja er dachte nach seinen wissenschaftlichen Erfahrungen etwas spöttisch über sie. Das gab die Richtung für sein Verhalten, so daß er immer wieder von dem, was er sah, zum Nachdenken aufgefordert wurde und doch mit einer gewissen Scheu vor zuviel Denken behaftet war. Aber was sein Verhalten schließlich entschied, war noch etwas anderes. Es gab etwas in Ulrichs Wesen, das in einer zerstreuten, lähmenden, entwaffnenden Weise gegen das logische Ordnen, gegen den eindeutigen Willen, gegen die bestimmt gerichteten Antriebe des Ehrgeizes wirkte, und auch das hing mit dem seinerzeit von ihm gewählten Namen Essayismus zusammen, wenn es auch gerade die Bestandteile enthielt, die er mit der Zeit und mit unbewußter Sorgfalt aus diesem Begriff ausgeschaltet hatte. Die Übersetzung des Wortes Essay als Versuch, wie sie gegeben worden ist, enthält nur ungenau die wesentlichste Anspielung auf das literarische Vorbild ; denn ein Essay ist nicht der vor- oder nebenläufige Ausdruck einer Überzeugung, die bei besserer Gelegenheit zur Wahrheit erhoben, ebensogut aber auch als Irrtum erkannt werden könnte (von solcher Art sind bloß die Aufsätze und Abhandlungen, die gelehrte Personen als »Abfälle ihrer Werkstätte« zum besten geben); sondern ein Essay ist die einmalige und unabänderliche Gestalt, die das innere Leben eines Menschen in einem entscheidenden Gedanken annimmt. Nichts ist dem fremder als die Unverantwortlichkeit und Halbfertigkeit der Einfälle, die man Subjektivität nennt, aber auch wahr und falsch, klug und unklug sind keine Begriffe, die sich auf solche Gedanken anwenden lassen, die dennoch Gesetzen unterstehn, die nicht weniger streng sind, als sie zart und unaussprechlich erscheinen. Es hat nicht wenige solcher Essayisten und Meister des innerlich schwebenden Lebens gegeben, aber es würde keinen Zweck haben, sie zu nennen ; ihr Reich liegt zwischen Religion und Wissen, zwischen Beispiel und Lehre, zwischen amor intellectualis und Gedicht, sie sind Heilige mit und ohne Religion, und manchmal sind sie auch einfach Männer, die sich in einem Abenteuer verirrt haben.
Nichts ist übrigens bezeichnender als die unfreiwillige Erfahrung, die man mit gelehrten und vernünftigen Versuchen macht, solche große Essayisten auszulegen, die Lebenslehre, so wie sie ist, in ein Lebenswissen umzuwandeln und der Bewegung der Bewegten einen »Inhalt« abzugewinnen ; es bleibt von allem ungefähr so viel übrig wie von dem zarten Farbenleib einer Meduse, nachdem man sie aus dem Wasser gehoben und in Sand gelegt hat. Die Lehre der Ergriffenen zerfällt in der Vernunft der Unergriffenen zu Staub, Widerspruch und Unsinn, und doch darf man sie nicht eigentlich zart und lebensunbeständig nennen, da man sonst auch einen Elefanten zu zart nennen müßte, um in einem luftleeren, seinen Lebensbedürfnissen nicht entsprechenden Raum auszudauern. Es wäre sehr zu beklagen, wenn diese Beschreibungen den Eindruck eines Geheimnisses hervorriefen oder auch nur den einer Musik, in der die Harfenklänge und seufzerhaften Glissandi überwiegen. Das Gegenteil ist wahr, und die ihnen zugrunde Hegende Frage stellte sich Ulrich durchaus nicht nur als Ahnung dar, sondern auch ganz nüchtern in der folgenden Form : Ein Mann, der die Wahrheit will, wird Gelehrter ; ein Mann, der seine Subjektivität spielen lassen will, wird vielleicht Schriftsteller ; was aber soll ein Mann tun, der etwas will, das dazwischen liegt ? Solche Beispiele, die »dazwischen« liegen, liefert aber jeder moralische Satz, etwa gleich der bekannte und einfache : Du sollst nicht töten. Man sieht auf den ersten Blick, daß er weder eine Wahrheit ist noch eine Subjektivität. Man weiß, daß wir uns in mancher Hinsicht streng an ihn halten, in anderer Hinsicht sind gewisse und sehr zahlreiche, jedoch genau begrenzte Ausnahmen zugelassen, aber in einer sehr großen Zahl von Fällen dritter Art, so in der Phantasie, in den Wünschen, in den Theaterstücken oder beim Genuß der Zeitungsnachrichten, schweifen wir ganz ungeregelt zwischen Abscheu und Verlockung. Man nennt etwas, das weder eine Wahrheit noch eine Subjektivität ist, zuweilen eine Forderung. Man hat diese Forderung an den Dogmen der Religion und an denen des Gesetzes befestigt und ihr dadurch den Charakter einer abgeleiteten Wahrheit gegeben, aber die Romanschriftsteller erzählen uns von den Ausnahmen, angefangen beim Opfer Abrahams bis zur jüngsten schönen Frau, die ihren Geliebten niedergeschossen hat, und lösen es wieder in Subjektivität auf. Man kann sich also entweder an den Pflöcken festhalten oder zwischen ihnen von der breiten Welle hin und her tragen lassen ; aber mit welchem Gefühl!? Das Gefühl des Menschen für diesen Satz ist ein Gemisch von vernageltem Gehorchen (einschließlich der »gesunden Natur«, die sich sträubt, an so etwas auch nur zu denken, aber, durch Alkohol oder Leidenschaft nur ein wenig von ihrem Platz verrückt, es sofort tut) und gedankenlosem Plätschern in einer Woge voll Möglichkeiten. Soll dieser Satz wirklich nur so verstanden werden ? Ulrich fühlte, daß ein Mann, der etwas mit ganzer Seele tun möchte, auf diese Weise weder weiß, ob er es tun, noch ob er es unterlassen soll. Und ihm ahnte doch, daß man es aus dem ganzen Wesen heraus tun oder lassen könnte. Ein Einfall oder ein Verbot sagten ihm gar nichts. Die Anknüpfung an ein Gesetz nach oben oder innen erregte die Kritik seines Verstandes, ja mehr als das, es lag auch eine Entwertung in diesem Bedürfnis, den seiner selbst gewissen Augenblick durch eine Abstammung zu nobilitieren. Bei alledem blieb seine Brust stumm, und nur sein Kopf sprach ; aber er fühlte, daß in einer anderen Weise seine Entscheidung übereinfallen könnte mit seinem Glück. Er könnte glücklich sein, weil er nicht tötet, oder glücklich sein, weil er tötet, aber er könnte niemals der gleichgültige Eintreiber einer an ihn gestellten Forderung sein. Das, was er in diesem Augenblick empfand, war kein Gebot, es war ein Gebiet, das er betreten hatte. Er begriff, daß alles darin schon entschieden sei und den Sinn besänftigt wie Muttermilch. Aber es war kein Denken mehr, was ihm das sagte, und auch kein Fühlen in der gewöhnlichen, wie in Stücke gebrochenen Weise ; es war ein »ganz Begreifen« und doch auch wieder nur so, wie wenn der Wind eine Botschaft fern herüberträgt, und sie kam ihm weder wahr noch falsch, weder vernünftig noch widervernünftig vor, sondern ergriff ihn, als wäre ihm eine leise selige Übertreibung in die Brust gefallen.
Und so wenig man aus den echten Teilen eines Essays eine Wahrheit machen kann, vermag man aus einem solchen Zustand eine Überzeugung zu gewinnen ; wenigstens nicht, ohne ihn aufzugeben, so wie ein Liebender die Liebe verlassen muß, um sie zu beschreiben. Die grenzenlose Rührung, die ihn zuweilen untätig bewegte, widersprach dem Tätigkeitstrieb Ulrichs, der auf Grenzen und Formen drang. Nun ist es ja wahrscheinlich richtig und natürlich, erst wissen zu wollen, ehe man das Gefühl sprechen läßt, und unwillkürlich stellte er sich vor, was er dereinst finden wollte, werde, wenn es auch nicht Wahrheit sei, dieser doch an Festigkeit nichts nachgeben ; aber in seinem besonderen Fall ähnelte er dadurch einem Mann, der sich ein Rüstzeug zusammenstellt, indes ihm darüber die Absicht erstirbt. Wann immer man ihn bei der Abfassung mathematischer und mathematisch-logischer Abhandlungen oder bei der Beschäftigung mit den Naturwissenschaften gefragt hätte, welches Ziel ihm vorschwebe, so würde er geantwortet haben, daß nur eine Frage das Denken wirklich lohne, und das sei die des rechten Lebens. Aber wenn man eine Forderung lange Zeit erhebt, ohne daß mit ihr etwas geschieht, schläft das Gehirn genau so ein, wie der Arm einschläft, wenn er lange Zeit etwas hochhält, und unsere Gedanken können ebensowenig dauernd stehen bleiben wie Soldaten im Sommer auf einer Parade ; wenn sie zu lange warten müssen, fallen sie einfach ohnmächtig um. Da Ulrich ungefähr in seinem sechsundzwanzigsten Jahr den Entwurf seiner Lebensauffassung abgeschlossen hatte, kam sie ihm in seinem zweiunddreißigsten Jahr nicht mehr ganz aufrichtig vor. Er hatte seine Gedanken nicht weitergebildet, und abgesehen von einem ungewissen und spannenden Gefühl, wie man es bei geschlossenen Augen hat, wenn man etwas erwartet, zeigte sich in ihm auch nicht viel von persönlicher Bewegung, seit die Tage der zitternden ersten Erkenntnisse vorbei waren. Wahrscheinlich war es trotzdem eine unterirdische Bewegung von solcher Art, was ihn mit der Zeit in der wissenschaftlichen Arbeit verlangsamte und daran hinderte, in sie seinen ganzen Willen zu setzen. Er geriet durch sie in einen eigentümlichen Zwiespalt. Man darf nicht vergessen, daß die exakte Geistesverfassung im Grunde gottgläubiger ist als die schöngeistige ; denn sie unterwürfe sich »Ihm«, sobald er geruht, sich ihr unter den Bedingungen zu zeigen, die sie für die Anerkennung seiner Tatsächlichkeit vorschreibt, wogegen unsere schönen Geister, wenn Er sich äußerte, nur fänden, daß sein Talent nicht ursprünglich und sein Weltbild nicht verständlich genug seien, um ihn auf eine Stufe mit wirklich gottbegnadeten Begabungen zu stellen. So leicht wie irgendwer von dieser Gattung konnte sich Ulrich also nicht unbestimmten Ahnungen hingeben, aber andererseits konnte er sich ebensowenig verhehlen, daß er in lauter Exaktheit jahrelang bloß gegen sich selbst gelebt habe, und er wünschte, daß etwas Unvorhergesehenes mit ihm geschehen möge, denn als er das tat, was er etwas spöttisch seinen »Urlaub vom Leben« nannte, besaß er in der einen wie in der anderen Richtung nichts, was ihm Frieden gab.
Vielleicht könnte man zu seiner Entschuldigung anführen, daß das Leben in gewissen Jahren unglaublich schnell entflieht. Aber der Tag, wo man beginnen muß, seinen letzten Willen zu leben, ehe man dessen Rest hinterläßt, hegt weit voran und läßt sich nicht verschieben. Das war ihm drohend klar geworden, seit fast ein halbes Jahr vergangen war, ohne daß sich etwas änderte. Während er sich in der kleinen und närrischen Tätigkeit, die er übernommen hatte, hin und her bewegen ließ, sprach, gerne zuviel sprach, mit der verzweifelten Beharrlichkeit eines Fischers lebte, der seine Netze in einen leeren Fluß senkt, indes er nichts tat, was der Person entsprach, die er immerhin bedeutete, und es mit Absicht nicht tat, wartete er. Er wartete hinter seiner Person, sofern dieses Wort den von Welt und Lebenslauf geformten Teil eines Menschen bezeichnet, und seine ruhige, dahinter abgedämmte Verzweiflung stieg mit jedem Tag höher. Er befand sich in dem schlimmsten Notstand seines Lebens und verachtete sich für seine Unterlassungen. Sind große Prüfungen das Vorrecht großer Naturen ? Er hätte gerne daran geglaubt, aber es ist nicht richtig, denn auch die simpelsten nervösen Naturen haben ihre Krisen. So blieb ihm eigentlich nur in der großen Erschütterung jener Rest von Unerschütterlichkeit übrig, den alle Helden und Verbrecher besitzen, es ist nicht Mut, es ist nicht Wille, es ist keine Zuversicht, sondern einfach ein zähes Festhalten an sich, das sich so schwer austreiben läßt wie das Leben aus einer Katze, selbst wenn sie von den Hunden schon ganz zerfleischt ist.
Will man sich vorstellen, wie solch ein Mensch lebt, wenn er allein ist, so kann höchstens erzählt werden, daß in der Nacht die erhellten Fensterscheiben ins Zimmer schauen, und die Gedanken, nachdem sie gebraucht sind, herumsitzen wie die Klienten im Vorzimmer eines Anwalts, mit dem sie nicht zufrieden sind. Oder vielleicht, daß Ulrich einmal in solcher Nacht die Fenster öffnete und in die schlangenkahlen Baumstämme blickte, deren Windungen zwischen den Schneedecken der Wipfel und des Bodens seltsam schwarz und glatt dastanden, und plötzlich Lust bekam, im Schlafanzug, wie er war, in den Garten hinunterzugehn ; er wollte die Kälte in den Haaren fühlen. Als er unten war, schaltete er das Licht aus, um nicht vor der erleuchteten Türe zu stehn, und nur aus seinem Arbeitszimmer ragte ein Lichtdach in den Schatten hinein. Ein Weg führte zum Gittertor, das auf die Straße mündete, ein zweiter kreuzte ihn dunkel deutlich. Ulrich ging langsam auf diesen zu. Und dann erinnerte ihn die zwischen den Baumkronen emporragende Dunkelheit plötzlich phantastisch an die riesige Gestalt Moosbruggers, und die nackten Bäume kamen ihm merkwürdig körperlich vor ; häßlich und naß wie Würmer und trotzdem so, daß man sie umarmen und mit Tränen im Gesicht an ihnen niedersinken mochte. Aber er tat es nicht. Die Sentimentalität der Regung stieß ihn im gleichen Augenblick zurück, wo sie ihn berührte. Durch den Milchschaum des Nebels kamen vor dem Gitter des Gartens in diesem Augenblick verspätete Fußgänger vorbei, und er hätte ihnen wohl wie ein Narr erscheinen können, wie sich sein Bild, in rotem Schlafanzug zwischen schwarzen Stämmen, nun von diesen loslöste ; aber er trat fest auf den Weg und ging verhältnismäßig zufrieden in sein Haus zurück, denn wenn etwas für ihn aufbewahrt war, so mußte es etwas ganz anderes sein.