23 08 24

Saïd, L’Orientalisme

L’orientaliste regarde l’Orient de haut, avec l’in­ten­tion de sai­sir dans sa tota­li­té le pano­ra­ma qui s’é­tale sous ses yeux : culture, reli­gion, esprit, his­toire, socié­té. Pour cela, il doit voir chaque détail à tra­vers le dis­po­si­tif d’un ensemble de caté­go­ries réduc­trices (les Sémites, l’es­prit musul­man, l’Orient, etc.). Puisque ces caté­go­ries sont avant tout sché­ma­tiques et visent l’ef­fi­ca­ci­té, et puisque aucun Oriental ne peut se connaître lui-même comme le connaît un orien­ta­liste, toute vision de l’Orient en vient à repo­ser, en fin de compte, pour sa cohé­rence et sa force, sur la per­sonne, l’ins­ti­tu­tion ou le dis­cours dont elle est la pro­prié­té. Toute vision glo­bale est fon­da­men­ta­le­ment conser­va­trice, et nous avons noté de quelle manière, dans l’his­toire des idées de l’Occident sur le Proche-Orient, ces idées se sont main­te­nues sans tenir compte des témoi­gnages qui les contre­di­saient. (En réa­li­té, nous pou­vons dire que ces idées pro­duisent des témoi­gnages qui prouvent leur vali­di­té.)

The Orientalist sur­veys the Orient from above, with the aim of get­ting hold of the whole spraw­ling pano­ra­ma before him—culture, reli­gion, mind, his­to­ry, socie­ty. To do this he must see eve­ry detail through the device of a set of reduc­tive cate­go­ries (the Semites, the Muslim mind, the Orient, and so forth). Since these cate­go­ries are pri­ma­ri­ly sche­ma­tic and effi­cient ones, and since it is more or less assu­med that no Oriental can know him­self the way an Orientalist can, any vision of the Orient ulti­ma­te­ly comes to rely for its cohe­rence and force on the per­son, ins­ti­tu­tion, or dis­course whose pro­per­ty it is. Any com­pre­hen­sive vision is fun­da­men­tal­ly conser­va­tive, and we have noted how in the his­to­ry of ideas about the Near Orient in the West these ideas have main­tai­ned them­selves regard­less of any evi­dence dis­pu­ting them. (Indeed, we can argue that these ideas pro­duce evi­dence that proves their vali­di­ty.)

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trad.  Catherine Malamoud
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p. 400–401