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Le ton de voix de Heidegger est prophétisé dans la discussion schillerienne sur la dignité comme fermeture sur soi ou comme fixation du soi : « Si on a l’occasion d’observer la grâce affectée, dans les théâtre de salle de bal, on peut aussi très souvent étudier la fausse dignité dans les cabinets des ministres et dans les salles d’études des hommes de sciences (particulièrement dans les universités). Si la vraie dignité se satisfait d’empêcher la domination des affects et si elle pose des limites à la pulsion naturelle simplement là où celle-ci veut jouer le maître, c’est-à-dire, dans les mouvements involontaires ; au contraire, la fausse dignité régit aussi les mouvements volontaires avec un sceptre de fer, elle réprime les mouvements moraux, lesquels sont sacrés pour la vraie dignité, aussi bien que les mouvements de la sensibilité et elle détruit tout le jeu mimique de l’âme qui s’expose dans les traits du visage. Elle n’est pas seulement sévère à l’égard de la nature rebelle, mais dure à l’égard de la nature soumise, et elle cherche sa ridicule grandeur dans l’asservissement de celle-ci et, là où cela ne réussit pas dans sa dissimulation. Comme si elle avait voué une haine irréconciliable à tout ce qui s’appelle nature, elle enveloppe le corps dans de longs vêtements à plu qui en cachent tous les membres, elle réduit l’image des membre par un lourd appareil d’inutiles ornements et se coupe même les cheveux pour remplacer le cadeau de la nature par le produit de l’art. Si la vraie dignité, qui n’a jamais honte de la nature, mais seulement de la nature brute, reste toujours libre et ouverte, même là où elle se tient en soi, si on voit une sensation rayonner dans ses yeux et l’esprit calme et serein se reposer sur son front éloquent ; au contraire, la fausse dignité inscrit la gravité dans les plis du visage, elle est fermée et mystérieuse et surveille soucieusement ses traits comme un comédien. Tous les muscles du visage son tendus, toute expression naturelle et vraie disparaît et l’homme tout entier est comme une lettre scellée. Mais la fausse dignité n’a pas toujours tort de tenir le jeu mimique de ses traits sous une sévère discipline ; parce qu’il pourrait peut-être en dire plus qu’on ne le voudrait – précaution qui n’est certes pas nécessaire pour la vraie dignité. Celle-ci ne fera que maîtriser la nature et non la cacher ; dans la fausse dignité au contraire, la nature domine avec d’autant plus de violence à l’intérieur qu’elle est d’autant plus contrainte à l’extérieur. » Pour le kantien qui croyait à la disjonction du prix et de la dignité, que son maître avait effectuée, la dignité était encore quelque chose de désirable. Cela a privé ce grand écrivain de la pleine intuition de ce dont il s’est pourtant approché de si près : qu’à la dignité est immanente la forme de sa décadence – ce qu’on peut observer dès que les intellectuels deviennent complices du pouvoir qu’ils sont pas et auquel ils devraient s’opposer. Dans le jargon de l’authenticité s’effondre, en fin de compte, avec la dignité kantienne, cette humanité qui a son concept non pas dans la réflexion sur soi, mais dans la différence avec l’animalité réprimée.

Prophezeit wird der Heideggersche Tonfall in der Schillerschen Diskussion von Würde als einem sich in sich selbst Verschließen oder Festmachen. „Wenn man auf Theatern oder Ballsälen Gelegenheit hat, die affektirte Anmuth zu beobachten, so kann man oft in den Kabinetten der Minister, und in den Studierzimmern der Gelehrten (auf hohen Schulen besonders) die falsche Würde studiren. Wenn die wahre Würde zufrieden ist, den Affekt an seiner Herrschaft zu hindern, und dem Naturtriebe blos da, wo er den Meister spielen will, in den unwillkürlichen Bewegungen Schranken setzt, so regiert die falsche Würde auch die willkürlichen mit einem eisernen Zepter, unterdrückt die moralischen Bewegungen, die der wahren Würde heilig sind, so gut als die sinnlichen, und löscht das ganze mimische Spiel der Seele in den Gesichtszügen aus. Sie ist nicht blos streng gegen die widerstrebende, sondern hart gegen die unterwürfige Natur, und sucht ihre lächerliche Größe in Unterjochung, und wo dies nicht angehen will, in Verbergung derselben. Nicht anders, als wenn sie Allem, was Natur heißt, einen unversöhnlichen Haß gelobt hätte, steckt sie den Leib in lange faltige Gewänder, die den ganzen Gliederbau des Menschen verbergen, beschränkt den Gebrauch der Glieder durch einen lästigen Apparat unnützer Zierrath und schneidet sogar die Haare ab, um das Geschenk der Natur durch ein Machwerk der Kunst zu ersetzen. Wenn die wahre Würde, die sich nie der Natur, nur der rohen Natur schämt, auch da, wo sie an sich hält, noch stets frey und offen bleibt ; wenn in den Augen Empfindung strahlt, und der heitre stille Geist auf der beredten Stirn ruht, so legt die Gravität die ihrige in Falten, wird verschlossen und mysteriös, und bewacht sorgfältig wie ein Komödiant ihre Züge. Alle ihre Gesichtsmuskeln sind angespannt, aller wahre natürliche Ausdruck verschwindet, und der ganze Mensch ist wie ein versiegelter Brief. Aber die falsche Würde hat nicht immer Unrecht, das mimische Spiel ihrer Züge in scharfer Zucht zu halten, weil es vielleicht mehr aussagen könnte, als man laut machen will, eine Vorsicht, welche die wahre Würde freylich nicht nöthig hat. Diese wird die Natur nur beherrschen, nie verbergen ; bey der falschen hingegen herrscht die Natur nur desto gewaltthätiger innen, indem sie außen bezwungen ist.“ Dem Kantianer, der die Disjunktion von Preis und Würde seinem Meister glaubte, war diese noch ein Wünschbares. Das brachte ihn um die volle Einsicht, welcher der große Schriftsteller so nahe rückte : daß der Würde ihre Verfallsform immanent ist : durchschaubar, sobald Intellektuelle der Macht sich anbiedern, die sie nicht haben und der sie zu widerstehen hätten. Im Jargon der Eigentlichkeit stürzt am Ende die Kantische Würde zusammen, jene Menschheit, die ihren Begriff nicht an der Selbstbesinnung hat sondern an der Differenz von der unterdrückten Tierheit.

Jargon de l’authenticité [Jargon der Eigentlichkeit, 1964]
trad. Éliane Escoubas
Payot 2009
p. 195–197
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