L’expérience cristallise le plus souvent comme essais de possibilités surtout des types et des genres, et réduit aisément l’oeuvre concrète au cas-type : un des motifs de vieillissement de l’art nouveau. Certes, en esthétique, il ne faut pas séparer les moyens et les fins. Cependant, les expérience qui, par définition, s’intéressent presque avant tout aux moyens, aiment à faire vainement attendre le but. En outre, ces dernières décennies, le concept d’expérience s’est fait équivoque. Si, vers 1930, il désignait encore une tentative, filtrée par la conscience critique, contre la continuation irréfléchie, il est entre-temps apparu que les oeuvres doivent contenir des caractéristiques nullement prévisibles dans le processus de production et que, subjectivement, l’artiste doit être surpris par ses propres oeuvres. L’art prend ici conscience d’un aspect toujours présent, mis en évidence par Mallarmé ; l’imagination des artistes n’a jamais pu embrasser complètement ce au’ils produisaient. Les arts combinatoires, par exemple l’ars nova et ceux des Pays-Bas, introduisirent dans la musique du bas Moyen Âge des effets qui ont dû dépasser l’imagination subjective des compositeurs. Une combinatoire – que les artistes, comme aliénés, se firent un devoir de médiatiser avec leur imagination – était essentielle pour l’évolution des techniques artistiques. Mais on renforce ainsi le risque de faire tomber les produits plus bas qu’une imagination adéquate ou pauvre.
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