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L’expérience cris­tal­lise le plus sou­vent comme essais de pos­si­bi­li­tés sur­tout des types et des genres, et réduit aisé­ment l’oeuvre concrète au cas-type : un des motifs de vieillis­se­ment de l’art nou­veau. Certes, en esthé­tique, il ne faut pas sépa­rer les moyens et les fins. Cependant, les expé­rience qui, par défi­ni­tion, s’in­té­ressent presque avant tout aux moyens, aiment à faire vai­ne­ment attendre le but. En outre, ces der­nières décen­nies, le concept d’ex­pé­rience s’est fait équi­voque. Si, vers 1930, il dési­gnait encore une ten­ta­tive, fil­trée par la conscience cri­tique, contre la conti­nua­tion irré­flé­chie, il est entre-temps appa­ru que les oeuvres doivent conte­nir des carac­té­ris­tiques nul­le­ment pré­vi­sibles dans le pro­ces­sus de pro­duc­tion et que, sub­jec­ti­ve­ment, l’ar­tiste doit être sur­pris par ses propres oeuvres. L’art prend ici conscience d’un aspect tou­jours pré­sent, mis en évi­dence par Mallarmé ; l’i­ma­gi­na­tion des artistes n’a jamais pu embras­ser com­plè­te­ment ce au’ils pro­dui­saient. Les arts com­bi­na­toires, par exemple l’ars nova et ceux des Pays-Bas, intro­dui­sirent dans la musique du bas Moyen Âge des effets qui ont dû dépas­ser l’i­ma­gi­na­tion sub­jec­tive des com­po­si­teurs. Une com­bi­na­toire – que les artistes, comme alié­nés, se firent un devoir de média­ti­ser avec leur ima­gi­na­tion – était essen­tielle pour l’é­vo­lu­tion des tech­niques artis­tiques. Mais on ren­force ain­si le risque de faire tom­ber les pro­duits plus bas qu’une ima­gi­na­tion adé­quate ou pauvre.

Théorie esthé­tique [1970]
trad. Marc Jimenez
Klincksieck 1974
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