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Les rap­ports de force, sym­bo­liques ou non, ne sont pas des inva­riants ; ils ont l’ar­bi­traire des for­ma­tions ana­lo­giques, sans doute, mais dif­fé­rentes : leur appa­rence trans­his­to­rique est une illu­sion ana­lo­gique.
[…] Critiquer les mythes n’é­tait pas en démon­trer la faus­se­té, mais plu­tôt retrou­ver leur fond de véri­té. Car cette véri­té a été recou­verte de men­songes. […] Mais d’où viennent les men­songes et à quoi servent-ils ? C’est ce que les Grecs ne se sont pas beau­coup deman­dé, un men­songe n’ayant rien de posi­tif : c’est un non-être, et voi­là tout. Ils ne se deman­daient guère pour­quoi cer­tains avaient men­ti, mais plu­tôt pour­quoi les autres avaient cru. […] On peut alté­rer la véri­té, mais on ne sau­rait par­ler de rien. […] Les Grecs cher­chaient une véri­té à tra­vers les men­songes ; ils se deman­daient à qui est la faute : elle est à la can­deur, à la naï­ve­té, à l’eue­theia, car tel était le mot consa­cré. […] La can­deur est la vraie res­pon­sable des men­songes ; il y aurait moins de fabu­la­teurs, s’il y avait moins de naïfs.
[…] Pour les modernes, au contraire, le mythe sera plu­tôt la rela­tion d’un grand évé­ne­ment, d’où son aspect légen­daire. Cet évé­ne­ment est moins alté­ré par des élé­ments adven­tices qu’il n’est épi­que­ment gros­si.
[…] À la condam­na­tion ratio­na­liste de l’i­ma­gi­naire comme faux, réplique l’a­po­lo­gie de l’i­ma­gi­naire comme conforme à une rai­son cachée. Car on ne sau­rait men­tir.

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
événement Grèce Antique mensonge mythe vérité Veyne vrai/faux