l’archéologie articule l’étude des structures à une forme d’ensemble de type narratif qui induit un récit dans la longue durée, au sens de Fernand Braudel. L’une de mes ambitions avec cette méthode archéologique (et en particulier avec mon Archéologie du sujet) est d’introduire le long cours en histoire de la philosophie. Il s’agit donc de dégager des structures pour les narrativiser, d’où cette notion d’intrigue que je reprends à Paul Veyne. Comme tout autre historien, l’historien de la philosophie « raconte des intrigues », qui sont « autant d’itinéraires qu’il trace » à travers un champ événementiel objectif « divisible à l’infini » : il ne peut « décrire la totalité de ce champ, car un itinéraire doit choisir et ne peut passer partout » ; aucun des itinéraires qu’il emprunte « n’est le vrai », aucun « n’est l’Histoire ». Le champ événementiel de la philosophie « ne comprend pas des sites qu’on irait visiter et qui s’appelleraient événements » : « un événement n’est pas un être, mais un croisement d’itinéraires possibles ». Voilà ce que dit Veyne. J’essaie, sur ses pas, de croiser le maximum d’itinéraires.
[…]
Trop souvent, en histoire de la philosophie, où est censée régner la Problemgeschichte, il n’y a pas vraiment d’histoire des problèmes, dans la mesure ou ce que les historiens de la philosophie appellent « histoire des problèmes » coïncide plutôt, me semble-t-il, avec l’histoire des réponses apportées à un archiproblème supposé « permanent ». Or l’une de mes convictions est qu’il n’y a pas de problème éternel ou invariant et que chaque problème peut (et doit) faire l’objet d’une genèse. C’est ce que je disais tout à l’heure en invoquant chez Guéroult le croisement de l’évolution et de la structure.
23 01 17