S’il n’y a pas de « cohérence » ni d’ « incohérence » dans l’activité pulsionnelle — mais que l’on puisse en parler, c’est grâce à cette autre force pulsionnelle qu’est aussi l’intellect. Il y a désormais une cohérence de l’impulsion et du suppôt dont le suppôt admet qu’il est lui-même la fin, en tant qu’il subit la contrainte de cette impulsion. Et il y a, d’autre part, une cohérence entre le suppôt et cette autre impulsion qu’est l’intellect, en tant qu’elle assure la cohérence du suppôt en tant que suppôt. Entre sa propre cohérence ainsi assurée et la cohérence de l’impulsion avec le suppôt, il y a une totale discordance. Tantôt l’impulsion n’existe, semble-t-il, que parce que la répulsion intellectuelle s’exerce à travers le suppôt pour conserver le suppôt, tantôt cette répulsion se retourne contre l’intellect qui dénonce cette impulsion. L’intellect n’est donc rien que l’envers de toute autre impulsion, l’envers de toute cohérence entre l’impulsion et le suppôt, donc incohérence par rapport à la cohérence du suppôt avec lui-même. Mais parce que l’intellect est l’envers de l’impulsion, il est, comme répulsion, la pensée de cette impulsion même, cette pensée qui, par rapport à celle-ci, constitue le suppôt en dehors de cette cohérence avec l’impulsion en tant que fin. Le suppôt, à chaque fois qu’il pense cette impulsion, fait de sa répulsion cette impulsion pensée comme à l’égard de toute force pulsionnelle. Mais cette cohérence du suppôt avec lui-même n’est contraignante que parce qu’elle répond à sa conservation : l’intellect apparaît de la sorte comme moyen, en tant qu’il assure l’identité dans la cohérence, en tant que fin. De là que la condition impulsionnelle et répulsionnelle rend cette identité intellectuelle fragile, dès qu’une cohérence peut s’établir entre le suppôt et une impulsion autre comme fin. Car si cette cohérence est ressentie plus contraignante pour le suppôt que celle de son intellect (soit que ce dernier reste sans force, soit que, au contraire, il se conçoive pleinement comme répulsion) le suppôt rejette ce tuteur qui ne le conserve que dans un état stérile : tandis qu’il est à l’aise dans le mouvement pulsionnel — si fantastique que soit la cohérence qu’il croit y trouver. Toutefois, s’il se sent à l’aise face au phantasme qui en résulte, il veut à son tour l’exprimer et ne le peut qu’en fonction de l’intellect : il lui faut en parler comme d’une idée et admettre qu’elle serait valable aussi pour un autre intellect. Le phantasme, au fond de la « fausse » idée, ne la rend fausse que parce qu’il doit emprunter la voie de sa propre répulsion — soit l’intellect — pour qu’il soit seulement pensable par un autre intellect.
Comment, en effet, la cohérence du suppôt avec une impulsion déterminée — dès lors que cette cohérence en quelque sorte adultère à l’égard de l’intellect met en cause le suppôt en tant que suppôt — peut-elle se transmettre en tant qu’idée à un autre intellect ? Idée veut dire que l’intellect la conçoive — la reconstruise — avant même de la juger vraie ou fausse. Ne faut-il pas que, justement alors au moment de sa transmission, elle réveille l’autre intellect en tant que pulsion (adhésion) ou répulsion (négation, désapprobation) — et remette aussitôt en branle ce qui, dans l’autre, constitue sa cohérence en tant que suppôt ? Ne faut-il pas qu’elle ramène sa propre organisation au niveau de la résistance ou de la non-résistance ?
18 06 17