19 01 16

Il existe aujourd’hui en France, comme partout ailleurs, toutes sortes de poètes, comme il existe toutes sortes de gens. Les uns, qui s’apparentent aux politiciens, écrivent une poésie aux accents poétiques immédiatement identifiables. Parmi eux il en est de bons, de moins bons et de franchement détestables. Mais ils ont ceci en commun que la poésie semble être pour eux l’expression d’une essence transcendante, permanente et universelle, comme me l’expliqua un jour, à Iowa City, un écrivain hindou de trente-deux ans qui venait de publier son soixantième roman à succès et qui célébrait dans ses vers la Beauté, la Nature et l’Amour. Ces poètes-là me font penser aux chiens chinois qui rongent de vieux os tout blancs sur lesquels il n’y a depuis longtemps plus rien à ronger. Mais à force de s’énerver les dents sur eux, ils se blessent les gencives et finissent ainsi par leur trouver du goût. Le goût de leur propre sang.

« La bibliothèque de Trieste »
ma haie
P.O.L 2001
p. 25
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