17 01 16

Dans Le Masque et la Lumière, Zumthor à la fois constate qu’en régime pro­si­mé­trique « la fron­tière entre prose et vers manque de net­te­té » et pro­pose de dis­tin­guer le « pro­si­mètre inté­gré » ou sys­té­ma­tique du « pro­si­mètre occa­sion­nel ». Et s’« il y a un terme com­mun, non négli­geable » au vers et à de la prose, qui est la rhé­to­rique, c’est aus­si que l’enjeu du pro­si­mètre est para­doxa­le­ment poli­tique : il doit ordon­ner un monde chao­tique en attes­tant un désordre for­mel. Attestation sati­rique : le mélange ne ren­voie pas, au départ, à une fusion des gene­ra dic­ta­mi­num. Le dic­ta­men pro­si­me­tri­cum n’implique aucu­ne­ment le mariage ori­gi­naire du vers et de la prose, que sup­pose le phi­lo­sophe (Idée de la prose, 1988, dans la tra­duc­tion de Gérard Macé), mais une suave arti­cu­la­tion de deux registres appe­lés à tendre et à détendre le lec­teur. Si « l’idée de la poé­sie, c’est la prose », alors l’idée d’une bous­tro­phique trans­cen­dan­tale se reverse en faveur d’une prose sépa­rée et sou­ve­raine, expli­cante et « plus que for­melle », qui « dit quelque chose », ou « parle de ce qui a lieu », dans les termes de Jean-Claude Milner (Mallarmé au tom­beau). Cette prose est comme le nain caché qui actionne l’automate joueur d’échecs. Il y a une théo­lo­gie de la prose et une his­toire de la poé­sie.

Contre un Boileau
Fayard 2015
chaos forme/informe poésie/prose prosimètre zumthor