Dans Le Masque et la Lumière, Zumthor à la fois constate qu’en régime prosimétrique « la frontière entre prose et vers manque de netteté » et propose de distinguer le « prosimètre intégré » ou systématique du « prosimètre occasionnel ». Et s’« il y a un terme commun, non négligeable » au vers et à de la prose, qui est la rhétorique, c’est aussi que l’enjeu du prosimètre est paradoxalement politique : il doit ordonner un monde chaotique en attestant un désordre formel. Attestation satirique : le mélange ne renvoie pas, au départ, à une fusion des genera dictaminum. Le dictamen prosimetricum n’implique aucunement le mariage originaire du vers et de la prose, que suppose le philosophe (Idée de la prose, 1988, dans la traduction de Gérard Macé), mais une suave articulation de deux registres appelés à tendre et à détendre le lecteur. Si « l’idée de la poésie, c’est la prose », alors l’idée d’une boustrophique transcendantale se reverse en faveur d’une prose séparée et souveraine, explicante et « plus que formelle », qui « dit quelque chose », ou « parle de ce qui a lieu », dans les termes de Jean-Claude Milner (Mallarmé au tombeau). Cette prose est comme le nain caché qui actionne l’automate joueur d’échecs. Il y a une théologie de la prose et une histoire de la poésie.
17 01 16