Quant à celui qui prête à Dieu un attribut affirmatif, il ne sait [de lui] rien que le simple nom, mais l’objet auquel, dans son imagination, ce nom s’applique, est quelque chose qui n’existe pas ; c’est plutôt une invention et un mensonge, et c’est comme s’il appliquait ce nom à un non-être, car il n’y a dans l’être rien de pareil. Il en est comme de quelqu’un qui, ayant entendu le nom de l’éléphant et ayant su que c’est un animal, désirerait en connaître la figure et la véritable nature, et à qui un autre, trompé ou trompeur, dirait : « C’est un animal avec un seul pied et trois ailes, demeurant dans les profondeurs de la mer ; il a le corps transparent, et une face large de la même forme et de la même figure que la face humaine ; il parle comme l’homme, et tantôt vole dans l’air et tantôt nage comme un poisson. » Certes, je ne dirais pas que cet homme se figure l’éléphant contrairement à ce qu’il est en réalité, ni qu’il a de l’éléphant une connaissance imparfaite ; mais je dirais que la chose qu’il s’imagine être de cette façon est une invention et un mensonge, qu’il n’existe rien de semblable, et qu’au contraire c’est un non-être auquel on a appliqué le nom d’un être, comme le griffon, le cheval-homme [centaure], et d’autres figures imaginaires auxquelles on a appliqué le nom de quelque être réel, soit un nom simple ou un nom composé. Il en est absolument de même ici : en effet, Dieu – qu’il soit glorifié ! – est un être dont l’existence a été démontrée nécessaire, et de l’existence nécessaire résulte [comme conséquence] la simplicité pure, ainsi que je le démontrerai ; mais que cette essence simple, d’une existence nécessaire, ait des attributs et soit affectée d’autres choses, comme on l’a prétendu, c’est là ce qui ne peut nullement avoir lieu, comme on l’a démontré. Si donc nous disions que cette essence, par exemple, qu’on appelle Dieu, est une essence renfermant des idées nombreuses qui lui servent d’attributs, nous appliquerions ce nom à un pur non-être. Considère, par conséquent, combien il est dangereux de prêter à Dieu des attributs affirmatifs.
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Maïmonide, Le Guide des égarés
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Le Guide des égarés [מורה נבוכים ; دلالة الحائرين 1190]
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t. 1
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chap. 60
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trad.
de l’arabe par Salomon Munk (1856–1866), nouvelle édition revue et mis à jour sous la dir. de René Lévy, avec la coll. de Maroun Aouad
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p. 291–292