Il faut dans ces conditions, bien garder présent à l’esprit que le logos apophantikos dont parle Aristote s’établit dans un double système d’oppositions :
- Il s’oppose explicitement [Peri hermeneia, 4, 17a2] à la prière, à l’ordre, au commandement, bref à toutes ces formulations qui ne peuvent pas être ramenées à des propositions vraies ou fausses. Le logos apophantikos est donc un type d’énonciation qui s’oppose à d’autres énonciations. Le logos apophantikos est alors un énoncé déclaratif.
- Il s’oppose implicitement, ou en tout cas à un autre niveau, à des énoncés qui ont aussi la forme déclarative, mais qui sont mis en jeu et qui fonctionnent au niveau de leur réalité d’événement ; en tant que choses produites ; en tant que choses historiquement produites (hic et nunc) et par des sujets déterminés.
À ce niveau-là, l’apophantique n’est plus une catégorie d’énoncés. C’est une opération, c’est un geste sans cesse renouvelé par lequel le rapport d’un énoncé à la réalité, à l’être, à la vérité est dénoué au niveau de l’événement énonciatif et reporté à ce qui est dit dans l’énoncé et au rapport entre ce qui est dit et les choses elles-mêmes.
L’apophantique, c’est ce qui établit entre l’énoncé et l’être un rapport au seul niveau (toujours idéal) de sa signification. Et c’est par rapport qui a son lieu dans la signification que l’énoncé peut être vrai ou faux.
L’apophantique apparaît alors comme une opération de déplacement de l’être vers l’idéalité de la signification. Et elle s’oppose non plus à d’autres types d’énoncés (non déclaratifs) mais à une opération inverse qui consiste à maintenir le rapport de l’énoncé à l’être au seul niveau de l’événement discursif. Appelons cette opération inverse de l’apophantique l’opération sophistique, éristique.