La vérité est d’abord parole […] [Elle] est encore le privilège de certains groupes d’hommes, les poètes, les devins, dressés au long apprentissage de la mémoire. […] La parole est éloge et blâme, capable de grandir ou d’amenuiser, d’être véridique ou mensongère. […] Il reste une tradition, poétique précisément, celle du « roi de justice » tenant la « balance », dispensateur et receveur tout à la fois du vrai et du faux. Parallèlement toute vérité est une énigme et tout diseur de vérité est lui-même une énigme. […] Il n’y a pas « opposition », « contradiction » entre le vrai et le faux, la vérité (Alètheia) et l’oubli (Lèthè) : « Il n’y a pas d’un côté Alètheia (+) et de l’autre Lèthè (-), mais entre ces deux pôles se développe une zone intermédiaire où Alètheia glisse vers Lèthè et réciproquement. La « négativité » n’est donc pas isolée, mise à part de l’Être ; elle ourle la « Vérité », elle en est l’ombre inséparable » À cette ambivalence de la parole efficace dans les œuvres les plus anciennes de la pensée grecque fait place cependant dans la cité classique une ambiguïté de l’action.
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Les Maîtres de Vérité dans la Grèce archaïque
[1967]
Le livre de poche
2006
p. 44–45