Ah, pouvoir d’un seul coup être un Indien penché dans le vent sur un cheval au galop, sentir secousse sur secousse monter du sol qui tremble, avoir enfin abandonné les éperons car il n’y avait pas d’éperons, jeté les rênes car il n’y avait pas de rênes, et ne plus voir qu’à peine, devant soi, la plaine comme une lande rase, et même plus, bientôt, ni la tête ni l’encolure du cheval. (traduction Bilmann/Cellard, in La métamorphose, 1997)
Si l’on pouvait être un Peau-Rouge, toujours paré, et, sur son cheval fougueux, dressé sur les pattes de derrière, sans cesse vibrer sur le sol vibrant, jusqu’à ce qu’on quitte les éperons, parce qu’il n’y avait pas d’éperons, jusqu’à ce qu’on jette les rênes, parce qu’il n’y avait pas de rênes, et qu’on voie le terrain devant soi comme une lande tondue, déjà sans encolure et sans tête de cheval. (traduction Claude David, in La métamorphose et autres récits, 1990)
Si seulement on était un indien, prêt sur le champ, et sur son cheval au galop, incliné dans l’air, qu’on tremblait sans cesse sur le sol tremblant, jusqu’à laisser les éperons, car il n’y avait pas d’éperons, jusqu’à jeter les rênes, car il n’y avait pas de rênes, et qu’à peine vu le pays devant soi, lande bien tondue, encolure et tête de cheval évanouies. (trad. Laurent Margantin, oeuvresouvertes.net)
Wenn man doch ein Indianer wäre, gleich bereit, und auf dem rennenden Pferde, schief in der Luft, immer wieder kurz erzitterte über dem zitternden Boden, bis man die Sporen ließ, denn es gab keine Sporen, bis man die Zügel wegwarf, denn es gab keine Zügel, und kaum das Land vor sich als glatt gemähte Heide sah, schon ohne Pferdehals und Pferdekopf.