20 06 16

Kafka

Ah, pou­voir d’un seul coup être un Indien pen­ché dans le vent sur un che­val au galop, sen­tir secousse sur secousse mon­ter du sol qui tremble, avoir enfin aban­don­né les épe­rons car il n’y avait pas d’éperons, jeté les rênes car il n’y avait pas de rênes, et ne plus voir qu’à peine, devant soi, la plaine comme une lande rase, et même plus, bien­tôt, ni la tête ni l’encolure du che­val. (tra­duc­tion Bilmann/Cellard, in La méta­mor­phose, 1997)

Si l’on pou­vait être un Peau-Rouge, tou­jours paré, et, sur son che­val fou­gueux, dres­sé sur les pattes de der­rière, sans cesse vibrer sur le sol vibrant, jusqu’à ce qu’on quitte les épe­rons, parce qu’il n’y avait pas d’éperons, jusqu’à ce qu’on jette les rênes, parce qu’il n’y avait pas de rênes, et qu’on voie le ter­rain devant soi comme une lande ton­due, déjà sans enco­lure et sans tête de che­val. (tra­duc­tion Claude David, in La méta­mor­phose et autres récits, 1990)

Si seule­ment on était un indien, prêt sur le champ, et sur son che­val au galop, incli­né dans l’air, qu’on trem­blait sans cesse sur le sol trem­blant, jus­qu’à lais­ser les épe­rons, car il n’y avait pas d’é­pe­rons, jus­qu’à jeter les rênes, car il n’y avait pas de rênes, et qu’à peine vu le pays devant soi, lande bien ton­due, enco­lure et tête de che­val éva­nouies. (trad. Laurent Margantin, oeuvresouvertes.net)

Wenn man doch ein Indianer wäre, gleich bereit, und auf dem ren­nen­den Pferde, schief in der Luft, immer wie­der kurz erzit­terte über dem zit­tern­den Boden, bis man die Sporen ließ, denn es gab keine Sporen, bis man die Zügel weg­warf, denn es gab keine Zügel, und kaum das Land vor sich als glatt gemähte Heide sah, schon ohne Pferdehals und Pferdekopf.

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« Désir d’être un Indien » [« Wunsch, Indianer zu wer­den » (1912)]