Le capital parvenu à la domination réelle de toute forme de production et de reproduction de l’existant résume en lui l’histoire entière des sociétés de classe et, débordant la sphère spécifique de l’économie politique, soumet à sa propre valorisation devenue autonome toutes les sphères autrefois séparées de l’être individuel et social devenu en totalité le produit de son organisation. Le capital aujourd’hui dominant se définit par son caractère fictif : l’essence virtuelle et créditrice de toute « propriété ». « Dans le crédit, à la place du métal et du papier c’est l’homme lui-même qui devient l’intermédiaire de l’échange, non certes comme homme mais bien comme existence d’un capital et des intérêts… Dans le système du crédit ce n’est pas l’argent qui est aboli, niais c’est l’homme lui-même qui se transforme en argent, en d’autres termes l’argent se personnifie dans l’homme » (Marx). Le caractère fictif se généralisant, l’anthropomorphose du capital est un fait accompli. Ici, se révèle le mystérieux sortilège grâce auquel le crédit généralisé, par lequel est atteint tout échange (qui est constamment échange d’apparences dilatoires : du billet de banque à la traite, du contrat de travail au contrat nuptial, aux rapports « humains » et familiaux, aux études et aux divers diplômes et carrières qui leur sont liés, aux promesses de toute idéologie), imprime à l’image de son vide uniforme le « cœur de ténèbres » de toute « personnalité » et de tout « caractère ».
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« Chronique d’un bal masqué »
Apocalypse et révolution [1974 (puis dans Invariance, série III, n°1, 1976)]
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trad.
Jacques Camatte
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p. 207–208