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La par­ti­ci­pa­tion mili­tante au réfé­ren­dum trace la ligne de démar­ca­tion à l’in­té­rieur de « l’ex­trême-gauche ». C’est ici le lieu d’un pre­mier règle­ment de compte : tan­dis que Lotta conti­nua, Avanguardia Operaia et autres s’a­lignent sur la « poli­tique » ins­ti­tu­tion­nelle dans la mys­ti­fi­ca­tion de la mys­ti­fi­ca­tion et parlent de « vic­toire pro­lé­ta­rienne » cher­chant ain­si à occu­per le vide his­to­rique déjà occu­pé par le PCI (l’op­po­si­tion fic­tive) les Brigades rouges et autres font irrup­tion sur le mar­ché en tant qu’op­po­si­tion cré­di­trice de la future oppo­si­tion réelle, pour l’« alter­na­tive » dans la ges­tion de l’exis­tant au nom de l’i­déo­lo­gie du contre-pou­voir (pré­li­mi­naire à la « dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat »). Les for­ma­tions mili­tantes se dis­tinguent des for­ma­tions « mili­taires » de l’ul­tra-gauche – pre­nant réci­pro­que­ment leurs dis­tances – sur­tout dans leur manière de se défi­nir face à la crise du sys­tème. Les pre­mières essen­tiel­le­ment social-démo­crates jouent le rôle immé­dia­tiste d’ins­tances ratio­na­li­sa­trices, mora­li­sa­trices et déma­go­gi­que­ment popu­listes, nient l’é­vi­dence consi­dé­rée de la crise struc­tu­relle, dénon­çant l’a­po­ca­lypse capi­ta­liste, comme une mise en scène sans vou­loir οu savoir y recon­naître le dégui­se­ment d’une réa­li­té socia­le­ment explo­sive ; les secondes, néo-léni­nistes voient dans la crise la désa­gré­ga­tion du sys­tème capi­ta­liste bour­geois, comme s’il s’a­gis­sait encore et seule­ment de ce der­nier, et en mettent en évi­dence les aspects les plus spec­ta­cu­lai­re­ment scan­da­leux par leurs actions d’ef­fi­ca­ci­té « mana­gé­riale », mais se pla­çant dans l’op­tique des « théo­ries révo­lu­tion­naires » tiers-mon­distes, anti­ci­pant, dans les méthodes et les ana­lyses sur le rôle qu’ils s’at­tri­buent d’héri­tiers du pou­voir, au nom d’une « dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat » paro­diée et de toute façon obli­ga­toire à toutes les idéo­lo­gies de la « tran­si­tion ». Leur retard théo­rique leur per­met de s’en­ti­cher de toute la fas­ci­na­tion roma­nesque éma­nant des idéo­lo­gies du pas­sé, vain­cues par la contre-révo­lu­tion et dépas­sées par le mou­ve­ment réel. Les dis­tances prises par les mili­tants par rap­port aux « mili­taires » tra­duit d’ailleurs, par­ti­cu­liè­re­ment dans leurs « dis­tinc­tions » cir­cons­pectes le secret d’une envie-crainte, haine-amour, qui pré­fi­gure un pos­sible trans­fert de forces, au fur et à mesure que la des­truc­tion pure­ment ver­bale lais­se­ra plus que jamais insa­tis­faites les nos­tal­gies « héroïques » des mili­tants, et que les rêves inter­dits d’une « osten­ta­tion » phal­lique (phal­lo­pho­ries) meur­trière pro­mettent d’é­chan­ger une mor­ti­fi­ca­tion de trap­piste contre un sacri­fice de kami­kaze.

« Chronique d’un bal mas­qué »
Apocalypse et révo­lu­tion [1974 (puis dans Invariance, série III, n°1, 1976)]
trad. Jacques Camatte
La Tempête 2020
p. 214–215