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Aristote, Seconds analytiques

§ 6. Ainsi donc ces connais­sances des prin­cipes ne sont pas en nous toutes déter­mi­nées ; elles ne viennent pas non plus d’autres connais­sances plus notoires qu’elles ; elles viennent uni­que­ment de la sen­sa­tion. A la guerre, au milieu d’une déroute, quand un fuyard vient à s’ar­rê­ter, un autre s’ar­rête, puis un autre encore, jus­qu’à ce que se reforme l’é­tat pri­mi­tif de l’ar­mée ; de même l’âme est ain­si faite qu’elle peut éprou­ver quelque chose de sem­blable.

§ 7 C’est ce qui déjà vient d’être dit. Mais comme cela ne l’a pas été très clai­re­ment, nous ne crain­drons pas de le répé­ter. Au moment où l’une de ces idées qui n’offrent aucune dif­fé­rence entre elles, vient à s’ar­rê­ter dans l’âme, aus­si­tôt l’âme a l’u­ni­ver­sel ; l’être par­ti­cu­lier est bien sen­ti, mais la sen­si­bi­li­té s’é­lève jus­qu’au géné­ral. C’est la sen­sa­tion de l’homme, par exemple, et non pas de tel homme indi­vi­duel, de Caillas. Ces idées servent donc de point d’ar­rêt jus­qu’à ce que s’ar­rêtent aus­si dans l’âme les idées indi­vises, c’est-à-dire, uni­ver­selles. Ainsi, par exemple, s’ar­rête l’i­dée de tel ani­mal jus­qu’à ce que se forme l’i­dée d’a­ni­mal, qui elle-même sert aus­si de point d’ar­rêt à d’autres idées. Il est donc bien évident que c’est néces­sai­re­ment l’in­duc­tion qui nous fait connaître les prin­cipes ; car c’est ain­si que la sen­sa­tion elle-même pro­duit en nous l’u­ni­ver­sel.

§ 8. Quant aux facul­tés de l’in­tel­li­gence par les­quelles nous attei­gnons la véri­té, comme les unes sont tou­jours vraies, et que les autres sont sus­cep­tibles d’er­reur, par exemple l’o­pi­nion et le rai­son­ne­ment, tan­dis que la science et l’en­ten­de­ment sont éter­nel­le­ment vraies ; comme il n’y a pas d’es­pèce de connais­sance autre que l’en­ten­de­ment qui soit plus exacte que la “science ; comme en outre les prin­cipes sont plus évi­dents que les démons­tra­tions, et que toute science est accom­pa­gnée de rai­son­ne­ment, il s’en­sui­vrait que la science ne peut s’ap­pli­quer aux prin­cipes ; mais comme il n’y a que l’en­ten­de­ment qui puisse être plus vrai que la science, c’est l’en­ten­de­ment qui s’ap­plique aux prin­cipes. Tout ce qui pré­cède le prouve, mais ce qui le prouve encore, c’est que le prin­cipe de la démons­tra­tion n’est pas une démons­tra­tion, et que par suite, le prin­cipe de la science n’est pas la science. Donc, si nous n’a­vons pas au-des­sus de la science d’autre espèce de connais­sance vraie, c’est l’en­ten­de­ment qui est le prin­cipe de la science. Or, le prin­cipe doit s’ap­pli­quer au prin­cipe, et la science est tou­jours dans un rap­port sem­blable avec tous les objets qu’elle embrasse.