§ 6. Ainsi donc ces connaissances des principes ne sont pas en nous toutes déterminées ; elles ne viennent pas non plus d’autres connaissances plus notoires qu’elles ; elles viennent uniquement de la sensation. A la guerre, au milieu d’une déroute, quand un fuyard vient à s’arrêter, un autre s’arrête, puis un autre encore, jusqu’à ce que se reforme l’état primitif de l’armée ; de même l’âme est ainsi faite qu’elle peut éprouver quelque chose de semblable.
§ 7 C’est ce qui déjà vient d’être dit. Mais comme cela ne l’a pas été très clairement, nous ne craindrons pas de le répéter. Au moment où l’une de ces idées qui n’offrent aucune différence entre elles, vient à s’arrêter dans l’âme, aussitôt l’âme a l’universel ; l’être particulier est bien senti, mais la sensibilité s’élève jusqu’au général. C’est la sensation de l’homme, par exemple, et non pas de tel homme individuel, de Caillas. Ces idées servent donc de point d’arrêt jusqu’à ce que s’arrêtent aussi dans l’âme les idées indivises, c’est-à-dire, universelles. Ainsi, par exemple, s’arrête l’idée de tel animal jusqu’à ce que se forme l’idée d’animal, qui elle-même sert aussi de point d’arrêt à d’autres idées. Il est donc bien évident que c’est nécessairement l’induction qui nous fait connaître les principes ; car c’est ainsi que la sensation elle-même produit en nous l’universel.
§ 8. Quant aux facultés de l’intelligence par lesquelles nous atteignons la vérité, comme les unes sont toujours vraies, et que les autres sont susceptibles d’erreur, par exemple l’opinion et le raisonnement, tandis que la science et l’entendement sont éternellement vraies ; comme il n’y a pas d’espèce de connaissance autre que l’entendement qui soit plus exacte que la “science ; comme en outre les principes sont plus évidents que les démonstrations, et que toute science est accompagnée de raisonnement, il s’ensuivrait que la science ne peut s’appliquer aux principes ; mais comme il n’y a que l’entendement qui puisse être plus vrai que la science, c’est l’entendement qui s’applique aux principes. Tout ce qui précède le prouve, mais ce qui le prouve encore, c’est que le principe de la démonstration n’est pas une démonstration, et que par suite, le principe de la science n’est pas la science. Donc, si nous n’avons pas au-dessus de la science d’autre espèce de connaissance vraie, c’est l’entendement qui est le principe de la science. Or, le principe doit s’appliquer au principe, et la science est toujours dans un rapport semblable avec tous les objets qu’elle embrasse.