22 08 16

Augustin, Les Aveux

prae­ceps ibam tan­ta cae­ci­tate, ut inter coae­ta­neos meos pude­ret me mino­ris dede­co­ris, quo­niam audie­bam eos iac­tantes fla­gi­tia sua et tan­to glo­riantes magis, quan­to magis turpes essent, et libe­bat facere non solum libi­dine fac­ti verum etiam lau­dis. Quid dignum est vitu­pe­ra­tione nisi vitium ? ego, ne vitu­pe­ra­rer, vitio­sior fie­bam, et ubi non sube­rat, quo admis­so aequa­rer per­di­tis, fin­ge­bam me fecisse quod non fece­ram, ne vide­rer abiec­tior, quo eram inno­cen­tior, et ne vilior habe­rer, quo eram cas­tior.

La tête basse, je m’a­veu­glais au point que, par­mi les gar­çons de mon âge, j’a­vais honte d’être moins obs­cène qu’eux quand je les enten­dais se van­ter de leurs débauches. Plus c’é­tait sale, plus on était admi­ré. Notre plai­sir n’é­tait pas tant d’as­sou­vir nos dési­rs que de sus­ci­ter l’ad­mi­ra­tion des autres. Quoi de plus condam­nable que le vice ? Eh bien moi, pour ne pas être condam­né, je devais être plus vicieux encore. Et s’il m’ar­ri­vait d’être en deçà de la dépra­va­tion des autres, j’in­ven­tais des actes que je n’a­vais pas com­mis pour ne pas appa­raître plus abject d’être plus inno­cent ni plus obs­cène d’être plus chaste.

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Les Aveux [Confessiones (397–402)]
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t. 2
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chap. 3
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trad.  Frédéric Boyer
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p. 81