À la base d’une vertu est le pouvoir que nous avons d’en briser la chaîne. L’enseignement traditionnel a méconnu ce ressort secret de la morale : l’idée de la morale en est affadie. Du côté de la vertu, la vie morale a l’aspect d’un conformisme peureux ; de l’autre, le dédain de la fadeur est tenu pour immoralité. L’enseignement traditionnel exige en vain une rigueur de surface, faite de formalisme logique : il tourne le dos à l’esprit de la rigueur. Nietzsche dénonçant la morale enseignée pensait ne pas survivre à un crime qu’il aurait commis. S’il y a morale authentique, son existence est toujours en jeu. La véritable haine du mensonge admet, non sans une horreur surmontée, le risque pris dans un mensonge donné. L’indifférence devant le risque en est l’apparente légèreté. C’est l’envers de l’érotisme admettant la condamnation sans laquelle il serait fade. L’idée d’intangibles lois retire de la force à une vérité morale à laquelle nous devons adhérer sans nous enchaîner. Nous vénérons, dans l’excès érotique, la règle que nous violons. Un jeu d’oppositions rebondissantes est à la base d’un mouvement alterné de fidélité et de révolte, qui est l’essence de l’homme. En dehors de ce jeu, nous étouffons dans la logique des lois.
30 09 14