Se taire, non, il n’en avait plus les moyens, même s’il connut un tremblement de haine et d’effroi à entendre sa voix remonter de l’abîme où il croyait l’avoir à tout jamais précipitée et perdue. Non, il n’était déjà plus de force à lui résister : évanouie seulement, voilée peut-être, mais encore là, insistante, inébranlable, comme pour le prendre en défaut de vigilance et le rejeter dans un nouveau tourment.
Avoir faim et froid pour s’être coupé de ses ressources, un moyen comme un autre, et moins brutal, à condition de ne pas tirer orgueil de ce dénuement voulu qui n’est en vérité qu’un piètre compromis.
Rien de commun avec la neutralisation du joueur mis sur la touche : refuser de jouer, c’est encore jouer – jouer à ne plus jouer, et de ce renoncement même faire la règle d’un nouveau jeu auquel nul ne gagne qu’en résignant ses chances.
Viennent après s’être longtemps fait attendre les accalmies plus mal endurées que la souffrance dont elles sont de sournoises alliées.
Il reste que cette volonté de renoncement, pour être le contraire d’un jeu, se lie à l’espoir inavoué de sauver la mise. Tant d’énergie dépensée à se mutiler évite de tomber dans l’hébétude, de même que le désespoir le plus insoutenable s’ouvre au rêve apaisant d’une échéance anticipée de la mort, et c’est l’échappatoire, la remise à plus tard où s’alimente cette incurable mauvaise foi sans laquelle il n’y aurait pas de vie respirable.