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Des Forêts, Ostinato

Se taire, non, il n’en avait plus les moyens, même s’il connut un trem­ble­ment de haine et d’effroi à entendre sa voix remon­ter de l’abîme où il croyait l’avoir à tout jamais pré­ci­pi­tée et per­due. Non, il n’était déjà plus de force à lui résis­ter : éva­nouie seule­ment, voi­lée peut-être, mais encore là, insis­tante, inébran­lable, comme pour le prendre en défaut de vigi­lance et le reje­ter dans un nou­veau tour­ment.

Avoir faim et froid pour s’être cou­pé de ses res­sources, un moyen comme un autre, et moins bru­tal, à condi­tion de ne pas tirer orgueil de ce dénue­ment vou­lu qui n’est en véri­té qu’un piètre com­pro­mis.

Rien de com­mun avec la neu­tra­li­sa­tion du joueur mis sur la touche : refu­ser de jouer, c’est encore jouer – jouer à ne plus jouer, et de ce renon­ce­ment même faire la règle d’un nou­veau jeu auquel nul ne gagne qu’en rési­gnant ses chances.

Viennent après s’être long­temps fait attendre les accal­mies plus mal endu­rées que la souf­france dont elles sont de sour­noises alliées.

Il reste que cette volon­té de renon­ce­ment, pour être le contraire d’un jeu, se lie à l’espoir inavoué de sau­ver la mise. Tant d’énergie dépen­sée à se muti­ler évite de tom­ber dans l’hébétude, de même que le déses­poir le plus insou­te­nable s’ouvre au rêve apai­sant d’une échéance anti­ci­pée de la mort, et c’est l’échappatoire, la remise à plus tard où s’alimente cette incu­rable mau­vaise foi sans laquelle il n’y aurait pas de vie res­pi­rable.

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« Au plus loin de la ques­tion » Ostinato
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p. 95