L’importance des corrections, chez Proust, ne tient pas seulement à son perfectionnisme, ou au fait que, « quelque part », il se sentait incorrect, ou pas assez juste dans sa langue, mais révèle à mon sens un trait de la modernité dont sa syntaxe se saisit dans cette façon d’approcher en spirale, progressivement, son objet, en reculant et en y revenant tour à tour, dans une épanorthose étendue à tout un livre, et qui consiste à reprendre ce qu’on vient de poser pour le reformuler. Il y a aussi comme un filet où se nouent, chez ce roi de la punchline, toutes les pointes (cf. les scènes de réceptions et de salons, au début de Sodome et Gomorrhe, par exemple). La maîtrise proustienne est indissociable de la conscience constante que toute maîtrise est impossible, en littérature, parce que ce n’est pas l’affaire des maîtres, qui ont des choses bien plus importantes à faire dans la vie que d’écrire.
08 04 18