Debout derrière l’une des fenêtres, il regardait la rue brunâtre à travers le filtre vert tendre de l’air du jardin et comptait depuis dix minutes, montre en main, les autos, les voitures, les tramways et les visages, délavés par la distance, des piétons qui emplissaient le filet du regard de leur hâte mousseuse ; il évaluait les vitesses, les angles, le dynamisme des masses en mouvement les unes devant les autres qui, le temps d’un éclair, attirent l’œil, le retiennent et le relâchent et qui, pendant une durée échappant à toute mesure, contraignent l’attention à s’appuyer sur elles, à s’en détacher pour sauter sur la suivante et se jeter à ses trousses ; enfin, après avoir calculé un instant de tête, il remit sa montre dans sa poche, éclata de rire et constata qu’il avait perdu son temps. Si l’on pouvait mesurer les sauts de l’attention, l’activité des muscles oculaires, les oscillations pendulaires de l’âme et tous les efforts qu’un homme doit s’imposer pour se maintenir debout dans le flot de la rue, on obtiendrait probablement (avait-il songé, essayant comme par jeu de calculer l’incalculable) une grandeur en comparaison de laquelle la force dont Atlas a besoin pour porter le monde n’est rien, et l’on pourrait mesurer l’extraordinaire activité déployée de nos jours par celui-là même qui ne fait rien. C’était, pour l’instant, le cas de l’Homme sans qualités.
Mais celui qui fait quelque chose ?…
« On en peut tirer deux conclusions », se dit-il.
L’activité musculaire d’un bourgeois qui va tranquillement son chemin tout un jour est considérablement supérieure à celle d’un athlète soulevant, une fois par jour, un énorme poids ; ce fait a été confirmé par la physiologie ; ainsi donc, même ses petites activités quotidiennes, dans leur somme sociale et par la faculté qu’elles ont d’être sommées, produisent infiniment plus d’énergie que les actes héroïques ; l’activité héroïque finit même par sembler absolument dérisoire, grain de sable posé sur une montagne avec l’illusion de l’extraordinaire. L’Homme sans qualités fut enchanté par cette idée.
Il est toutefois nécessaire d’ajouter que si elle lui plaisait, ce n’était pas qu’il aimât la vie bourgeoise ; mais simplement qu’il aimait contrecarrer un peu ses penchants, naguère tout autres. Peut-être est-ce précisément le petit-bourgeois qui pressent l’aurore d’un nouvel héroïsme, énorme et collectif, à l’exemple des fourmis. On le baptisera « héroïsme rationalisé » et on le trouvera fort beau. Qui pourrait, aujourd’hui déjà, le savoir ? De telles questions, toutes de la plus grande importance, et qui demeuraient sans réponse, il y en avait alors à foison. Elles étaient dans l’air, elles vous brûlaient les pieds. Le temps se déplaçait. Ceux qui n’ont pas vécu à cette époque se refuseront à le croire, mais le temps, alors déjà, se déplaçait avec la rapidité d’un chameau : cela n’est pas d’aujourd’hui. Seulement, on ne savait pas où il allait. Puis, on ne pouvait pas distinguer clairement ce qui était en haut de ce qui était en bas, ce qui avançait de ce qui reculait. « On peut faire ce qu’on veut, se dit l’Homme sans qualités en haussant les épaules, dans cet imbroglio de forces, cela n’a aucune importance ! » Il se détourna, comme un homme qui a dû apprendre à renoncer, presque comme un malade que tout contact brutal effraie ; et quand, traversant le cabinet de toilette contigu, il passa devant un punching-ball qui y était suspendu, il lui donna un coup d’une rapidité et d’une violence telles qu’on n’en voit guère dans une humeur résignée ou dans un état de faiblesse.
Er stand hinter einem der Fenster, sah durch den zartgrünen Filter der Gartenluft auf die bräunliche Straße und zählte mit der Uhr seit zehn Minuten die Autos, die Wagen, die Trambahnen und die von der Entfernung ausgewaschenen Gesichter der Fußgänger, die das Netz des Blicks mit quirlender Eile füllten ; er schätzte die Geschwindigkeiten, die Winkel, die lebendigen Kräfte vorüberbewegter Massen, die das Auge blitzschnell nach sich ziehen, festhalten, loslassen, die während einer Zeit, für die es kein Maß gibt, die Aufmerksamkeit zwingen, sich gegen sie zu stemmen, abzureißen, zum nächsten zu springen und sich diesem nachzuwerfen ; kurz, er steckte, nachdem er eine Weile im Kopf gerechnet hatte, lachend die Uhr in die Tasche und stellte fest, daß er Unsinn getrieben habe. – Könnte man die Sprünge der Aufmerksamkeit messen, die Leistungen der Augenmuskeln, die Pendelbewegungen der Seele und alle die Anstrengungen, die ein Mensch vollbringen muß, um sich im Fluß einer Straße aufrecht zu halten, es käme vermutlich – so hatte er gedacht und spielend das Unmögliche zu berechnen versucht – eine Größe heraus, mit der verglichen die Kraft, die Atlas braucht, um die Welt zu stemmen, gering ist, und man könnte ermessen, welche ungeheure Leistung heute schon ein Mensch vollbringt, der gar nichts tut.
Denn der Mann ohne Eigenschaften war augenblicklich ein solcher Mensch.
Und einer der tut ?
»Man kann zwei Schlüsse daraus ziehen« sagte er sich.
Die Muskelleistung eines Bürgers, der ruhig einen Tag lang seines Weges geht, ist bedeutend größer als die eines Athleten, der einmal im Tag ein ungeheures Gewicht stemmt ; das ist physiologisch nachgewiesen worden, und also setzen wohl auch die kleinen Alltagsleistungen in ihrer gesellschaftlichen Summe und durch ihre Eignung für diese Summierung viel mehr Energie in die Welt als die heroischen Taten ; ja die heroische Leistung erscheint geradezu winzig, wie ein Sandkorn, das mit ungeheurer Illusion auf einen Berg gelegt wird. Dieser Gedanke gefiel ihm.
Aber es muß hinzugefügt werden, daß er ihm nicht etwa deshalb gefiel, weil er das bürgerliche Leben liebte ; im Gegenteil, es beliebte ihm bloß, seinen Neigungen, die einstmals anders gewesen waren, Schwierigkeiten zu bereiten. Vielleicht ist es gerade der Spießbürger, der den Beginn eines ungeheuren neuen, kollektiven, ameisenhaften Heldentums vorausahnt ? Man wird es rationalisiertes Heldentum nennen und sehr schön finden. Wer kann das heute schon wissen ? Solcher unbeantworteter Fragen von größter Wichtigkeit gab es aber damals hunderte. Sie lagen in der Luft, sie brannten unter den Füßen. Die Zeit bewegte sich. Leute, die damals noch nicht gelebt haben, werden es nicht glauben wollen, aber schon damals bewegte sich die Zeit so schnell wie ein Reitkamel ; und nicht erst heute. Man wußte bloß nicht, wohin. Man konnte auch nicht recht unterscheiden, was oben und unten war, was vor und zurück ging. »Man kann tun, was man will;« sagte sich der Mann ohne Eigenschaften achzelzuckend »es kommt in diesem Gefilz von Kräften nicht im geringsten darauf an!« Er wandte sich ab wie ein Mensch, der verzichten gelernt hat, ja fast wie ein kranker Mensch, der jede starke Berührung scheut, und als er, sein angrenzendes Ankleidezimmer durchschreitend, an einem Boxball, der dort hing, vorbeikam, gab er diesem einen so schnellen und heftigen Schlag, wie es in Stimmungen der Ergebenheit oder Zuständen der Schwäche nicht gerade üblich ist.