17 07 24

Musil, L’homme sans qualités

Personne ne savait exac­te­ment ce qui était en train : per­sonne ne pou­vait dire si ce serait un art nou­veau, un homme nou­veau, une nou­velle morale, ou encore un reclas­se­ment de la socié­té. […] On ne for­ce­ra donc per­sonne à sur­es­ti­mer contre son gré ce « mou­ve­ment » pas­sé. Il ne se pro­dui­sit d’ailleurs que dans cette couche mince et instable de l’humanité que forment les intel­lec­tuels, mépri­sés d’un com­mun accord par les hommes dont la concep­tion du monde, en dépit de toutes les nuances, est garan­tie inusable, et qui ont aujourd’hui, grâce à Dieu, repris le des­sus ; il n’agit donc pas sur la masse. Néanmoins, même si ce ne fut pas un évé­ne­ment his­to­rique, ce fut tout de même un « petit évé­ne­ment ». Lorsqu’ils étaient jeunes, Walter et Ulrich, les deux amis, en avaient encore aper­çu le reflet. À tra­vers la confu­sion des croyances, quelque chose avait pas­sé, comme quand beau­coup d’arbres se courbent sous un seul et même coup de vent, un esprit de secte et de réfor­ma­tion, la conscience bien­heu­reuse d’une appa­ri­tion et d’une éclo­sion, une petite renais­sance, une petite réforme comme n’en connaissent que les meilleures époques ; et quand on entrait dans le monde, on sen­tait l’esprit, dès le pre­mier coin de rue, qui vous souf­flait sur les joues.

Niemand wußte genau, was im Werden war ; nie­mand ver­mochte zu sagen, ob es eine neue Kunst, ein neuer Mensch, eine neue Moral oder viel­leicht eine Umschichtung der Gesellschaft sein solle. […] Wenn man nicht will, braucht man also diese ver­gan­gene »Bewegung« nicht zu über­schät­zen. Sie voll­zog sich ohne­hin nur in jener dün­nen, unbestän­di­gen Menschenschicht der Intellektuellen, die von den heute Gott sei Dank wie­der obe­nauf gekom­me­nen Menschen mit unzer­reiß­ba­rer Weltanschauung, trotz aller Unterschiede die­ser Weltanschauung, einmü­tig verach­tet wird, und wirkte nicht in die Menge. Aber imme­rhin, wenn es auch kein ges­chicht­liches Ereignis gewor­den ist, ein Ereignislein war es doch, und die bei­den Freunde Walter und Ulrich hat­ten, als sie jung waren, gerade noch einen Schimmer davon erlebt. Durch das Gewirr von Glauben ging damals etwas hin­durch, wie wenn viele Bäume sich in einem Wind beu­gen, ein Sekten- und Besserergeist, das selige Gewissen eines Auf- und Anbruchs, eine kleine Wiedergeburt und Reformation, wie nur die bes­ten Zeiten es ken­nen, und wenn man damals in die Welt ein­trat, fühlte man schon an der ers­ten Ecke den Hauch des Geistes um die Wangen.

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t. 1
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chap. 15  : « Révolution intel­lec­tuelle »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 69–70