Un organe de la classe ouvrière avait, comme se fût exprimé le comte Leinsdorf, déversé une salive destructrice sur la Grande Idée en affirmant que celle-ci n’était qu’une nouvelle sensation pour les classes dirigeantes, succédant au dernier crime sadique ; et un brave ouvrier qui avait un peu trop bu se sentit enflammé par ces déclarations. Il avait frôlé en passant deux bourgeois qui, satisfaits des affaires de la journée, exprimaient à voix assez haute, dans la conscience que les bons sentiments ont toujours le droit d’être exprimés, leur plein accord avec l’Action patriotique. Il s’ensuivit un échange de « mots » ; comme la proximité d’un agent de police n’encourageait pas moins les bien-pensants qu’elle n’excitait l’attaquant, la scène prit une forme de plus en plus violente. L’agent l’observa d’abord par-dessus son épaule, puis il se retourna, et enfin s’approcha ; il y assista en observateur, comme une sorte de levier avancé de la machine appelée État, qui s’achève en boutons et autres éléments de métal. Il faut dire qu’un séjour continuel dans un État bien organisé a quelque chose d’absolument fantômal ; on ne peut sortir dans la rue, boire un verre d’eau ou monter dans le tram sans toucher aux leviers subtilement équilibrés d’un gigantesque appareil de lois et de relations, les mettre en branle ou se faire maintenir par eux dans la tranquillité de son existence ; on n’en connaît qu’un très petit nombre, ceux qui pénètrent profondément dans l’intérieur et se perdent à l’autre bout dans un réseau dont aucun homme, jamais, n’a débrouillé l’ensemble ; c’est d’ailleurs pourquoi on le nie, comme le citadin nie l’air, affirmant qu’il n’est que du vide ; mais il semble que ce soit justement parce que tout ce que l’on nie, tout ce qui est incolore, inodore, insipide, sans poids et sans mœurs, comme l’eau, l’air, l’espace, l’argent et la fuite du temps, est en réalité l’essentiel, que la vie prend ce caractère spectral. Il peut arriver que la panique saisisse un homme, comme dans les rêves où la volonté est impuissante, une tempête de coups et de ruades en tous sens comme d’un animal tombé dans l’incompréhensible mécanisme d’un filet. Ce fut une influence de cet ordre qu’exercèrent sur l’ouvrier les boutons de l’uniforme de l’agent, et c’est alors que le représentant de l’ordre, considérant qu’on lui manquait de respect, procéda à l’arrestation.
Elle ne se fit pas sans résistance et manifestation réitérée d’opinions séditieuses. Des badauds s’émurent, l’ivrogne en fut flatté, et une aversion résolue pour son semblable, restée jusque-là soigneusement cachée, éclata alors au grand jour. Un combat passionné pour l’honneur commença. Une fierté accrue affronta le sentiment inquiétant de ne plus bien tenir dans sa peau. Le monde lui non plus n’était pas ferme ; c’était un souffle incertain qui ne cessait de se déformer et de changer d’aspect. Les maisons étaient de guingois, comme expulsées de l’espace ; les gens, là, au milieu, étaient un grouillement de pauvres types ridicules, mais tous parents. Je suis appelé à y mettre ordre, voilà ce que sentait cet ivrogne exceptionnel. La scène tout entière était remplie d’une sorte de vacillement, un fragment de ce qui se passait lui apparut clairement comme un bout de chemin, puis de nouveau les murs tournèrent. Les axes des yeux lui sortaient de la tête comme des tiges, cependant que la plante de ses pieds retenait de toutes ses forces la terre. Un étrange ruissellement avait commencé dans sa bouche ; des mots sortaient, remontant de l’intérieur, dont il était impossible de savoir comme ils avaient pu y entrer. C’étaient peut-être des injures. Il était malaisé de le préciser. Le dedans et le dehors se ruaient l’un dans l’autre. Cette colère n’était pas une colère profonde, mais seulement l’habitacle corporel de la colère, exaspéré jusqu’à la frénésie, et le visage d’un agent de police s’approcha avec une extrême lenteur d’un poing fermé, avant de se mettre à saigner.
Mais l’agent lui aussi, entre-temps, avait triplé ; avec les gardiens de la paix accourus aussitôt, des gens s’étaient attroupés, l’ivrogne s’était jeté à terre et ne voulait pas se laisser prendre. Ulrich commit alors une imprudence. Il avait entendu dans l’attroupement le mot « Lèse-majesté », et observa qu’un homme dans cet état n’était pas en mesure de commettre un tel crime, qu’il fallait l’envoyer se coucher. Il avait dit cela sans y accorder beaucoup d’importance, mais il tombait mal. L’homme se mit à crier qu’Ulrich, autant que Sa Majesté, pouvaient aller se faire… – et un agent qui rejeta évidemment la faute de cette récidive sur l’intervention d’Ulrich, invita celui-ci, non sans brusquerie, à vider les lieux. Ulrich n’était pas habitué à voir dans l’État autre chose qu’un hôtel où l’on a droit à être servi poliment. Il se plaignit du ton sur lequel on lui parlait ; chose inattendue, la police en déduisit qu’un seul ivrogne ne suffisait pas à justifier la présence de trois agents, et sans plus attendre, on emmena Ulrich à son tour.
Denn ein Arbeiterblatt hatte, wie Graf Leinsdorf das nennen würde, destruktiven Speichel über die Große Idee ergossen, indem es behauptete, daß diese sich bloß als eine neue Sensation der Herrschenden an den letzten Lustmord reihe, und ein braver Arbeiter, der ein wenig viel getrunken hatte, fühlte sich dadurch gereizt. Er war an zwei Bürger gestreift, die sich mit den Geschäften des Tages zufrieden fühlten und im Bewußtsein, daß gute Gesinnung sich jederzeit zeigen dürfe, ziemlich laut ihr Einverständnis mit der vaterländischen Aktion austauschten, von der sie in ihrer Zeitung gelesen hatten. Es entstand ein Wortwechsel, und weil die Nähe eines Schutzmanns die Gutgesinnten ebenso ermutigte, wie sie den Angreifer reizte, nahm dieser Auftritt immer heftigere Formen an. Der Schutzmann betrachtete ihn erst über die Schulter, später von vorn und dann aus der Nähe ; er wohnte ihm beobachtend bei wie ein hervorstehender Ausläufer des eisernen Hebelwerks Staat, der in Knöpfen und andren Metallteilen endet. Nun hat der ständige Lebensaufenthalt in einem wohlgeordneten Staat aber durchaus etwas Gespenstisches ; man kann weder auf die Straße treten, noch ein Glas Wasser trinken oder die Elektrische besteigen, ohne die ausgewogenen Hebel eines riesigen Apparats von Gesetzen und Beziehungen zu berühren, sie in Bewegung zu setzen oder sich von ihnen in der Ruhe seines Daseins erhalten zu lassen ; man kennt die wenigsten von ihnen, die tief ins Innere greifen, während sie auf der anderen Seite sich in ein Netzwerk verlieren, dessen ganze Zusammensetzung überhaupt noch kein Mensch entwirrt hat ; man leugnet sie deshalb, so wie der Staatsbürger die Luft leugnet und von ihr behauptet, daß sie die Leere sei, aber scheinbar liegt gerade darin, daß alles Geleugnete, alles Farb‑, Geruch‑, Geschmack‑, Gewicht- und Sittenlose wie Wasser, Luft, Raum, Geld und Dahingehn der Zeit in Wahrheit das Wichtigste ist, eine gewisse Geisterhaftigkeit des Lebens ; es kann den Menschen zuweilen eine Panik erfassen wie im willenlosen Traum, ein Bewegungssturm tollen Umsichschlagens wie ein Tier, das in den unverständlichen Mechanismus eines Netzes geraten ist. Eine solche Wirkung übten die Knöpfe des Schutzmanns auf den Arbeiter aus, und in diesem Augenblick schritt das Staatsorgan, das sich nicht in der gebührenden Weise geachtet fühlte, zur Verhaftung.
Sie verlief nicht ohne Widerstand und wiederholte Kundgebungen aufrührerischer Gesinnung. Das erregte Aufsehen schmeichelte dem Betrunkenen, und eine bis dahin verheimlichte völlige Abneigung gegen das Mitgeschöpf zeigte sich entfesselt. Ein leidenschaftlicher Kampf um Geltung begann. Ein höheres Gefühl von seinem Ich setzte sich mit einem unheimlichen Gefühl auseinander, als wäre er nicht fest in seiner Haut. Auch die Welt war nicht fest ; sie war ein unsicherer Hauch, der sich immerzu deformierte und die Gestalt wechselte. Häuser standen schief aus dem Raum gebrochen ; lächerliche, wimmelnde, doch geschwisterliche Tröpfe waren dazwischen die Menschen. Ich bin berufen, bei ihnen Ordnung zu machen, fühlte der ungewöhnlich Betrunkene. Der ganze Schauplatz war von etwas Flimmerndem ausgefüllt, irgendein Stück Weg des Geschehens kam klar auf ihn zu, aber dann drehten sich wieder die Wände. Die Augenachsen standen wie Stiele aus dem Kopf, während die Fußsohlen die Erde festhielten. Ein wundersames Strömen aus dem Mund hatte begonnen ; Worte kamen aus dem Inneren herauf, von denen nicht zu begreifen war, wie sie vorher hineingekommen waren, möglicherweise waren es Schimpfworte. Das ließ sich nicht so genau unterscheiden. Außen und Innen stürzten ineinander. Der Zorn war kein innerer Zorn, sondern bloß das bis zum Rasen erregte leibliche Gehäuse des Zorns, und das Gesicht eines Schutzmanns näherte sich ganz langsam einer geballten Faust, bis es blutete.
Aber auch der Schutzmann hatte sich inzwischen verdreifacht ; mit den hinzueilenden Sicherheitsbeamten waren Menschen zusammengelaufen, der Betrunkene hatte sich zur Erde geworfen und wollte sich nicht festnehmen lassen. Da beging Ulrich eine Unvorsichtigkeit. Er hatte aus dem Auflauf das Wort »Majestätsbeleidigung« vernommen und bemerkte nun, daß dieser Mensch in seinem Zustand nicht imstande sei, eine Beleidigung zu begehen, und daß man ihn schlafen schicken solle. Er dachte sich nicht viel dabei, aber er kam an die Unrechten. Der Mann schrie nun, daß ihn sowohl Ulrich wie die Majestät …! und ein Schutzmann, der die Schuld an diesem Rückfall offenbar der Einmischung zuschrieb, forderte Ulrich barsch auf, sich weiterzuscheren. Nun war es dieser aber ungewohnt, den Staat anders zu betrachten als ein Hotel, in dem man Anspruch auf höfliche Bedienung hat, und verbat sich den Ton, in dem man zu ihm sprach, was unerwarteterweise die Schutzmannschaft zu der Einsicht brachte, daß ein Betrunkener für die Anwesenheit von drei Schutzleuten nicht genüge, so daß sie Ulrich gleich auch mitnahmen.