Au tout début du XVIIe siècle, un philosophe scholastique du nom de Edmond Pourchot systématise, de façon encore aristotélicienne, les quatre sens selon lesquels le terme de sujet peut se dire. Un sujet est d’inhésion (sujet d’inhérence pour des accidents), de dénomination (ce qui est dénommé par une forme, une perfection, une privation, une action ou une affection), d’information (ce en quoi est reçue une forme essentielle qui l’informe pour constituer un tout individuel physique), d’attribution (la matière sujet d’une discipline de connaissance).
Dans un tel cadre philosophique, la réalité commune n’est pas encore définie à partir du rapport particulier de la personne humaine au monde environnant, y compris posé comme universalité rationnelle, donc en tant que résultant de nos perceptions, conceptions et volitions. Elle est définie au contraire à partir des existences distinctes et de leurs modalités en tant que réelles, c’est-à-dire indépendantes du substrat humain. Au milieu de celles-ci, le sujet humain, dont l’âme, la forme intelligible propre, est celle d’un vivant rationnel, n’est qu’une existence substantielle parmi les autres. Une telle différence se retrouve dans l’opposition de la notion d’objet à celle de sujet. Dans le monde médiéval, le sujetest le récepteur de propriétés essentielles ou accidentelles qui le font être ce qu’il est. Un réel substantiel. L’objet est le contenu de définition que la pensée se donne relativement aux qualités et propriétés d’un existant, c’est-à-dire d’un sujet. Un réel in-essentiel. Une telle distinction, si elle est restée dans les formes syntaxiques de la langue française a disparu de la conceptualité. Le monde moderne pense très exactement à l’inverse de cela. Le sujet est l’agent unique de la pensée et de la connaissance et l’objet, la part de réel externe auquel il rapporte ses pensées. En ce sens, le monde objectif est la réalité indépendante de l’homme auquel se rapportent nos contenus subjectifs de pensée. Ce faisant, le monde objectif prend la valeur d’un être connu selon les dispositions propres à la personne humaine pensante et à son expérience perceptive. Depuis Descartes, en passant par l’opposition de Locke à Leibniz, puis, de Hume à Kant, il cesse donc d’être réel, substantiel, pour tendre à n’être que conditionnel, représentation, imagination, construction.