De ce « commun », le communisme comme son nom l’indique a voulu être l’expression et la légitimité conductrice. En tant qu’il était un tel projet, il échappait aux critères traditionnels de légitimation, révoquant tous les pouvoirs institués, appelant l’humanité à verser en bloc dans le partage. Mais ce projet, malgré toute la violence de rupture qui en accompagne l’éclosion, le communisme ne l’a pas tiré de nulle part. Le communisme non seulement provient de la philosophie, mais provient aussi (ou dérive, ou bifurque à l’intérieur) de toute une tradition qui se confond avec la tradition même de l’Occident, où la recherche d’un « commun » trame depuis l’origine la totalité de l’activité politique et religieuse : tout l’ontothéologique se déverse dans cette quête d’un « commun », dans cette recherche d’une puissance massive de convocation. Le communisme n’apparaît au fond que comme l’effort (démesuré, gauche, brutal) de rabattre les motifs d’une telle convocation dans l’unique rumeur d’une humanité délivrée de la transcendance, ne trouvant plus hors d’elle-même mais en elle-même le tenon de son unité. Le communisme rend effectif dans l’ordre politique le passage qui conduit l’Occident de La Divine Comédie à La Comédie humaine. Ce passage, le capitalisme l’a effectué dans l’ordre économique et social – et ce qu’étudie le livre qu’est Le Capital, c’est le nouveau fonctionnement qui résulte de ce passage et de cette redistribution sauvages – mais le marxisme est le mouvement qui cherche à tirer la conséquence politique logique de cette redistribution.
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