22 11 24

Bailly, La comparution

Cette per­sis­tance ou ce retour de l’autonomie du poli­tique (d’une juri­dic­tion qui ne soit pas ges­tion) que le mar­xisme a cher­ché à faire consis­ter, la recherche démo­cra­tique elle aus­si y pré­tend. Mais entre sa source grecque qui la ras­sure plus qu’elle ne la sou­tient et ce qui se dit du contrat depuis Rousseau, rien encore n’a été trou­vé qui règle la ques­tion. Sans doute cette nature flot­tante de la défi­ni­tion démo­cra­tique appar­tient-elle à son être le plus propre, mais il n’empêche qu’elle se trans­forme en limite aus­si­tôt que du réel, sous une forme non seule­ment non flot­tante, mais dure et tran­chée, lui est assé­né. Les diverses formes récur­rentes de bona­par­tisme (et toutes les idéo­lo­gies de l’État fort ou de l’homme pro­vi­den­tiel), le mar­xisme-léni­nisme et aus­si le fas­cisme (qui reprend à son compte la forme reli­gieuse du ras­sem­ble­ment) ont été ou sont tour à tour des formes de ce « réel » qui heurte la démo­cra­tie et la blesse ou la liquide, mais comme en l’exposant d’abord à sa propre fra­gi­li­té et à ce que l’on pour­rait appe­ler l’insuffisance (ou la suf­fi­sance, bien sou­vent) de son affir­ma­tion. À dire vrai, c’est davan­tage dans la mémoire de ce qu’elle a eu à subir que dans l’ordre de ce qu’elle réa­lise, que la démo­cra­tie trouve sa res­source la plus puis­sante. Ici, les pertes sont tou­jours plus par­lantes que les pro­fits. Pourtant, consti­tuer la démo­cra­tie en pure mémoire de la perte (ce à quoi beau­coup, semble-t-il, s’emploient) est encore un geste trop pathé­tique pour que puisse s’y for­mer et s’y inven­ter la forme pro­pre­ment démo­cra­tique de l’autonomie du poli­tique, cette forme qui serait la forme enfin tota­le­ment poli­tique.