Cette persistance ou ce retour de l’autonomie du politique (d’une juridiction qui ne soit pas gestion) que le marxisme a cherché à faire consister, la recherche démocratique elle aussi y prétend. Mais entre sa source grecque qui la rassure plus qu’elle ne la soutient et ce qui se dit du contrat depuis Rousseau, rien encore n’a été trouvé qui règle la question. Sans doute cette nature flottante de la définition démocratique appartient-elle à son être le plus propre, mais il n’empêche qu’elle se transforme en limite aussitôt que du réel, sous une forme non seulement non flottante, mais dure et tranchée, lui est asséné. Les diverses formes récurrentes de bonapartisme (et toutes les idéologies de l’État fort ou de l’homme providentiel), le marxisme-léninisme et aussi le fascisme (qui reprend à son compte la forme religieuse du rassemblement) ont été ou sont tour à tour des formes de ce « réel » qui heurte la démocratie et la blesse ou la liquide, mais comme en l’exposant d’abord à sa propre fragilité et à ce que l’on pourrait appeler l’insuffisance (ou la suffisance, bien souvent) de son affirmation. À dire vrai, c’est davantage dans la mémoire de ce qu’elle a eu à subir que dans l’ordre de ce qu’elle réalise, que la démocratie trouve sa ressource la plus puissante. Ici, les pertes sont toujours plus parlantes que les profits. Pourtant, constituer la démocratie en pure mémoire de la perte (ce à quoi beaucoup, semble-t-il, s’emploient) est encore un geste trop pathétique pour que puisse s’y former et s’y inventer la forme proprement démocratique de l’autonomie du politique, cette forme qui serait la forme enfin totalement politique.
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