Trois conséquences peuvent être utilement tirées du nominalisme historique. D’abord, toute histoire est de quelque manière une histoire comparée. Car les traits, retenus comme pertinents, par rapport auxquels on décrit un fait individuel, sont des universaux ; par là, quand on trouve pertinente et intéressante l’existence de sectes dans la religion romaine, on est à même de dire si n’importe quelle autre religion présente ou non le même trait ; et, inversement, constater qu’une autre religion comporte une théologie amène à prendre conscience que la religion romaine n’en comporte pas et à s’étonner qu’elle soit ce qu’elle est. Ensuite, tout « fait » est entouré d’une marge de non-événementiel implicite et c’est cette marge qui laisse la place de le constituer autrement qu’on ne le fait traditionnellement. Enfin, puisque le « fait » est ce qu’on le fait être si l’on a la souplesse exigée, la discipline à laquelle l’histoire pourra être comparée est la critique littéraire ; car on sait bien que ce que les manuels disent sur Racine est la moindre partie de ce qu’on pourrait dire sur cet auteur ; cent critiques qui écriraient cent livres sur Racine les écriraient tous plus différents, plus vrais et plus subtils les uns que les autres ; seuls les critiques peu doués en resteraient à la vulgate scolaire, aux « faits ».
07 09 20