De mes lignes matinales j’accroche la lumière montante, et les autres affrontent la lumière qui diminue. Moi, je me sens semblable à l’ermite de l’énigme : imaginez, dit l’énigme, un ermite. Il se lève à l’aube, avec le soleil. Il monte sur le chemin poussiéreux jusqu’au sommet de la colline. Il arrive en haut au soleil couchant. Il passe la nuit en prières et le lendemain, avec le soleil nouveau, il redescend pour arriver le soir dans la plaine. Montrez (telle est l’injonction de l’énigme) qu’il y a un endroit sur son chemin où il est passé à la même heure en montant et en descendant.
La solution, quand on y pense, est assez simple : inventez, nous dit-on, un ermite fantôme qui se lève à l’aube du second jour, en bas, au moment où l’ermite (réel) commence sa descente : supposez que l’ermite fantôme suit pas à pas, à la même allure exactement, l’ermite montant, le premier jour, sur le chemin (c’est son double).
C’est le même chemin. L’ermite qui descend et l’ermite ombre qui monte ne vont-ils pas se croiser ? N’est-ce pas là, en ce point de leur rencontre, le lieu de la solution ?
Pensez, vous, que l’ermite fantôme de l’énigme est un ermite de mémoire : que dans la lumière du soir, la lumière descendante, elle, Alix, ma femme, accompagne ma prose lente sur son chemin de papier. Pensez, si vous lisez, peut-être longtemps après la première, la dernière branche de mon récit, que quelque part nos images coïncident.
19 01 16