19 01 16

Bataille, La littérature et le mal

L’érotisme est, je crois, l’ap­pro­ba­tion de la vie jusque dans la mort. La sexua­li­té implique la mort, non seule­ment dans le sens où les nou­veaux venus pro­longent et rem­placent les dis­pa­rus, mais parce qu’elle met en jeu la vie de l’être qui se repro­duit. Se repro­duire est dis­pa­raître, et les êtres asexués les plus simples se sub­ti­lisent en se repro­dui­sant. Ils ne meurent pas, si, par la mort, on entend le pas­sage de la vie à la décom­po­si­tion, mais celui qui était, se repro­dui­sant, cesse d’être celui qu’il était (puis­qu’il devient double). La mort indi­vi­duelle n’est qu’un aspect de l’ex­cès pro­li­fé­ra­teur de l’être. La repro­duc­tion sexuée n’est elle-même qu’un aspect, le plus com­pli­qué, de l’im­mor­ta­li­té de la vie gagée dans la repro­duc­tion asexuée. De l’im­mor­ta­li­té, mais en même temps de la mort indi­vi­duelle. Nul ani­mal ne peut accé­der à la repro­duc­tion sexuée sans s’a­ban­don­ner au mou­ve­ment dont la forme accom­plie est la mort. De toute façon, le fon­de­ment de l’ef­fu­sion sexuelle est la néga­tion de l’i­so­le­ment du moi, qui ne connaît la pâmoi­son qu’en s’ex­cé­dant, qu’en se dépas­sant dans l’é­treinte où la soli­tude de l’être se perd.