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2126. Un axiome : il y a encore de la poé­sie (rem. 51).

2127. La poé­sie n’existe pas sans sup­port. Ce sup­port com­prend néces­sai­re­ment de la langue. (Il n’y a pas de poé­sie dans les choses, ni dans le cou­cher de soleil ni dans la décharge publique.)

2128. Un jeu de poé­sie est tou­jours, quoi qu’il soit par ailleurs, un jeu de langue.

2129. Un jeu de poé­sie est dans la poé­sie, n’est jamais seule­ment un jeu de langue.

2130. La poé­sie se réduit à la langue comme le pois­son à l’eau.

2131. Certains jeux de poé­sie appar­tiennent à des formes poé­tiques.

2132. Poésie, jeux de poé­sie, formes poé­tiques sont trois notions dis­tinctes.

2133. Une forme poé­tique n’est jamais un jeu de poé­sie, mais une famille de jeux de poé­sie ayant entre eux une « res­sem­blance fami­liale ».

2134. Un jeu de poé­sie, comme tout jeu de langue, mais à sa manière, auto­nome et spé­ci­fique, est une « forme de vie ».

2135. Un jeu de poé­sie est un cal­cul au sens sui­vant : se mettre dans un jeu de poé­sie (comme com­po­si­teur de poèmes, comme lec­teur de poèmes, comme cri­tique de la poé­sie), c’est « suivre une règle », la règle propre du jeu de poé­sie en ques­tion.

2136. Le sens d’un jeu de poé­sie est dans sa règle et dans l’activité qui consiste à « suivre la règle ».

2137. Il n’y a pas de sens poé­tique en dehors, à côté, du jeu de poé­sie, de son « cal­cul ». Le « cou­cher de soleil » n’est pas le sens d’un poème qui parle du cou­cher de soleil.

2138. Le sens d’un poème n’est pas quelque chose qui accom­pagne le poème comme son fan­tôme, comme la sta­tue d’un inexo­rable et impé­rieux com­man­deur.

2139. Dire que le jeu de poé­sie est un cal­cul ne veut pas dire qu’il existe une règle expli­cite et recon­nue du com­po­si­teur comme du lec­teur : le chat joue sans connaître les règles de son jeu.

Poétique – Remarques
Seuill 1994
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