Toute opération salutaire que produit un écrit, et même toute opération qui n’est pas dans sa nature profonde dévastatrice, est fondée sur son mystère (celui du mot, celui du langage). Si variées que soient les formes selon lesquelles le langage peut se montrer efficace, il ne l’est pas en communiquant des contenus, mais en produisant au jour de la manière la plus limpide sa dignité et sa substance. Et si je fais ici abstraction d’autres formes d’efficacité que la poésie et la prophétie, je reviens toujours à cette idée qu’éliminer l’indicible de notre langage jusqu’à le rendre pur comme un cristal est la forme qui nous est donnée et qui est la plus accessible pour agir à l’intérieur du langage et, dans cette mesure, par lui : cette élimination de l’indicible me semble justement coïncider avec un style d’écriture sobre et proprement objectif et indiquer, à l’intérieur même de la magie qui de l’ordre même du langage, la relation qui existe entre connaissance et action.
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Je ne crois pas que le mot, où que ce soit, soit plus éloigné du divin que l’action humaine « effective », et non plus qu’il soit apte à conduire au divin autrement que par lui-même, en sa qualité la plus pure. Quand il devient moyen (als Mittel), il prolifère.
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