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Toute opé­ra­tion salu­taire que pro­duit un écrit, et même toute opé­ra­tion qui n’est pas dans sa nature pro­fonde dévas­ta­trice, est fon­dée sur son mys­tère (celui du mot, celui du lan­gage). Si variées que soient les formes selon les­quelles le lan­gage peut se mon­trer effi­cace, il ne l’est pas en com­mu­ni­quant des conte­nus, mais en pro­dui­sant au jour de la manière la plus lim­pide sa digni­té et sa sub­stance. Et si je fais ici abs­trac­tion d’autres formes d’ef­fi­ca­ci­té que la poé­sie et la pro­phé­tie, je reviens tou­jours à cette idée qu’é­li­mi­ner l’in­di­cible de notre lan­gage jus­qu’à le rendre pur comme un cris­tal est la forme qui nous est don­née et qui est la plus acces­sible pour agir à l’in­té­rieur du lan­gage et, dans cette mesure, par lui : cette éli­mi­na­tion de l’in­di­cible me semble jus­te­ment coïn­ci­der avec un style d’é­cri­ture sobre et pro­pre­ment objec­tif et indi­quer, à l’in­té­rieur même de la magie qui de l’ordre même du lan­gage, la rela­tion qui existe entre connais­sance et action.
[…] Je ne crois pas que le mot, où que ce soit, soit plus éloi­gné du divin que l’ac­tion humaine « effec­tive », et non plus qu’il soit apte à conduire au divin autre­ment que par lui-même, en sa qua­li­té la plus pure. Quand il devient moyen (als Mittel), il pro­li­fère.

Œuvres
t. 1 1910–1918
Aubier
p. 117–118
action adorno benjamin connaissance efficacité inaction magie moyen tout-dire/rien-dire wittgenstein