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Disons qu’une oeuvre d’art est, à sa manière, tenue pour vraie, même là où elle passe pour de la fiction ; car la vérité est un mot homonyme qui ne devrait s’employer qu’au pluriel : il n’existe que des programmes hétérogènes de vérité. […] Il en est de la vérité comme de l’Être selon Aristote : elle est homonymique et analogique, car toutes les vérités nous semblent analogues entre elles, si bien que Racine nous semble avoir peint la vérité du coeur humain.
Un monde ne saurait être fictif par lui-même, mais seulement selon qu’on y croit ou pas. […] L’objet n’est jamais incroyable en lui-même et son écart avec « la » réalité ne saurait nous choquer, car nous ne l’apercevons même pas, les vérités étant toutes analogiques.
[…] Nous changeons de vérité quand, de notre quotidienneté, nous passons à Racine, mais nous ne nous en apercevons pas. Nous venons d’écrire une lettre de jalousie confuse et interminable, que nous avons démentie précipitamment une heure plus tard, par télégramme, et nous passons à Racine et Catulle, où un cri de jalousie, dense comme l’en-soi [cf Sartre], dure quatre vers, sans un faux pli : nous trouvons que ce cri est combien vrai !

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
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