26 12 16

Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?

Disons qu’une oeuvre d’art est, à sa manière, tenue pour vraie, même là où elle passe pour de la fic­tion ; car la véri­té est un mot homo­nyme qui ne devrait s’employer qu’au plu­riel : il n’existe que des pro­grammes hété­ro­gènes de véri­té. […] Il en est de la véri­té comme de l’Être selon Aristote : elle est homo­ny­mique et ana­lo­gique, car toutes les véri­tés nous semblent ana­logues entre elles, si bien que Racine nous semble avoir peint la véri­té du coeur humain.
Un monde ne sau­rait être fic­tif par lui-même, mais seule­ment selon qu’on y croit ou pas. […] L’objet n’est jamais incroyable en lui-même et son écart avec « la » réa­li­té ne sau­rait nous cho­quer, car nous ne l’a­per­ce­vons même pas, les véri­tés étant toutes ana­lo­giques.
[…] Nous chan­geons de véri­té quand, de notre quo­ti­dien­ne­té, nous pas­sons à Racine, mais nous ne nous en aper­ce­vons pas. Nous venons d’é­crire une lettre de jalou­sie confuse et inter­mi­nable, que nous avons démen­tie pré­ci­pi­tam­ment une heure plus tard, par télé­gramme, et nous pas­sons à Racine et Catulle, où un cri de jalou­sie, dense comme l’en-soi [cf Sartre], dure quatre vers, sans un faux pli : nous trou­vons que ce cri est com­bien vrai !