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L’esprit de sérieux fait que, depuis Marx, nous nous repré­sen­tons le deve­nir his­to­rique ou scien­ti­fique comme une suc­ces­sion de pro­blèmes que l’hu­ma­ni­té se pose et résout [cf. Balibar sur Marx], alors qu’à l’é­vi­dence l’hu­ma­ni­té agis­sante ou savante ne cesse d’ou­blier chaque pro­blème pour pen­ser à autre chose ; si bien que le réa­lisme serait moins de se dire : « Comment tout cela fini­ra-t-il ? » que de se deman­der : « Que vont-ils bien encore inven­ter, cette fois ? » Qu’il, y ait inven­ti­vi­té veut dire que l’his­toire ne se conforme pas à des sché­mas : l’hit­lé­risme fut une inven­tion, en ce sens qu’il ne s’ex­plique pas par la poli­tique éter­nelle ni par les forces de pro­duc­tion ; il fut une ren­contre de petites séries cau­sales. L’idée fameuse que « les faits n’existent pas » (ces mots sont de Nietzsche et non de Max Weber) ne se rap­porte pas à la métho­do­lo­gie de la connais­sance his­to­rique et à la plu­ra­li­té des inter­pré­ta­tions du pas­sé par les dif­fé­rents his­to­riens : elle décrit la struc­ture de la réa­li­té phy­sique et humaine ; chaque fait (le rap­port de pro­duc­tion, le « Pouvoir », le « besoin reli­gieux » ou les exi­gences du social) ne joue pas le même rôle, ou plu­tôt n’est pas la même chose, d’une conjonc­ture à l’autre ; il n’a de rôle et d’i­den­ti­té que de cir­cons­tance.

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
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