15 09 20

Nous nous ennuyons dans la ville, il n’y a plus de temple du soleil. Entre les jambes des pas­santes les dadaïstes auraient vou­lu trou­ver une clef à molette, et les sur­réa­listes une coupe de cris­tal, c’est per­du. Nous savons lire sur les visages toutes les pro­messes, der­nier état de la mor­pho­lo­gie. La poé­sie des affiches a duré vingt ans. Nous nous ennuyons dans la ville, il faut se fati­guer sale­ment pour décou­vrir encore des mys­tères sur les pan­cartes de la voie publique, der­nier état de l’humour et de la poé­sie :

Bain-Douches des Patriarches
Machines à tran­cher les viandes
Zoo Notre-Dame
Pharmacie des Sports
Alimentation des Martyrs
Béton trans­lu­cide
Scierie Main‑d’or
Centre de récu­pé­ra­tion fonc­tion­nelle
Ambulance Sainte-Anne
Cinquième ave­nue café
Rue des Volontaires Prolongée
Pension de famille dans le jar­din
Hôtel des Étrangers
Rue Sauvage

Et la pis­cine de la rue des Fillettes. Et le com­mis­sa­riat de police de la rue du Rendez-vous. La cli­nique médi­co-chi­rur­gi­cale et le bureau de pla­ce­ment gra­tuit du quai des Orfèvres. Les fleurs arti­fi­cielles de la rue du Soleil. L’hôtel des Caves du Château, le bar de l’Océan et le café du Va et Vient. L’hôtel de l’Époque.

Et l’étrange sta­tue du Docteur Philippe Pinel, bien­fai­teur des alié­nés, dans les der­niers soirs de l’été. Explorer Paris.

Et toi oubliée, tes sou­ve­nirs rava­gés par toutes les conster­na­tions de la map­pe­monde, échouée au Caves Rouges de Pali-Kao, sans musique et sans géo­gra­phie, ne par­tant plus pour l’hacienda où les racines pensent à l’enfant et où le vin s’achève en fables de calen­drier. Maintenant c’est joué. L’hacienda, tu ne la ver­ras pas. Elle n’existe pas.

Il faut construire l’hacienda.

« Formulaire pour un urba­nisme nou­veau »
Écrits retrou­vés
Allia 2006
p. 7–8
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