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*Anonyme, Dictée du 28 mai 1924

Le monde dans lequel vous entre­rez bien­tôt ne vous épar­gne­ra pas les heures dif­fi­ciles. Trente années ont suf­fi pour modi­fier pro­fon­dé­ment la valeur des forces qui en consti­tuent l’équilibre. Autour de notre France com­pacte et uni­fiée mais de popu­la­tion sta­tion­naire ont gran­di déme­su­ré­ment les races pul­lu­lantes de vie et regor­geantes de sève. Des nations nou­velles sont nées de la vie poli­tique et d’autres réveillées d’une tor­peur sécu­laire retrouvent avec les audaces de la jeu­nesse des ambi­tions de leur pas­sé. L’Amérique éla­bore sur un plan plus vaste une huma­ni­té nou­velle, pro­duit de la sélec­tion de toutes nos huma­ni­tés d’Europe. La mas­sive et inhos­pi­ta­lière Afrique péné­trée de toutes parts, perd pour nous son mys­tère. Et voi­ci, qu’acteurs impré­vus dans le drame mon­dial appa­raissent les jaunes, long­temps séques­trés dans un iso­le­ment volon­taire, avec leurs réserves d’hommes inépui­sables, leur éner­gie patiente et rusée et leur redou­table facul­té d’adaptation. Tous ces nou­veaux venus, pro­fi­tant du lent tra­vail accu­mu­lé par le vieil Occident et du tré­sor de sa coû­teuse expé­rience, s’épargnent les longs tâton­ne­ments, font l’économie de siècles de science et entrent de plain-pied et de niveau dans le cou­rant du pro­grès moderne. Heureusement, le nombre n’est pas tout dans la balance des forces humaines, il n’est qu’un des élé­ments du suc­cès. Une nation se sou­tient par la viri­li­té des mœurs publiques et pri­vées, par la concorde sociale, par l’éclat de l’intelligence et de l’effort conti­nu vers le pro­grès.