04 12 20

À bas la pro­duc­tion de mar­chan­dises inutiles et trop rapi­de­ment péris­sables, à bas la crois­sance incon­trô­lée de nou­velles entre­prises, à bas la déva­lo­ri­sa­tion accé­lé­rée, à bas l’extraction insen­sée d’énergie natu­relle en voie d’épuisement, à bas l’industrialisation concen­trée en quelques nations, à bas la pro­duc­tion pol­luante, à bas l’exploitation dés­équi­li­brée de la terre ; mais sur­tout il faut expul­ser de la vie de l’homme-capital le tra­vail pro­duc­teur seule­ment de mar­chan­dise. Ceci est la quin­tes­sence des recom­man­da­tions qui concluent le rap­port du MIT, et ceci est le sens expli­cite des sug­ges­tions de Mansholt. Mais si le capi­tal renonce à se sur­pro­duire, s’il décon­sacre l’eucharistie des consom­ma­tions, à quel nou­veau saint va-t-il se vouer ? C’est facile à pré­voir : le règne de l’abondance maté­rielle pour quelques-uns est révo­lu, vive le règne de l’ascèse spi­ri­tuelle pour tous. Qu’on abaisse les heures de tra­vail à la machine de qua­rante à vingt par semaines, qu’on soit davan­tage au ser­vice des « ser­vices per­son­nels » ; qu’on aug­mente le temps libre, que « fleu­rissent » dans ce nou­veau temps libre (de la liber­té d’être inutiles) la culture et la poé­sie, qu’on se socia­lise au plus vite, en fai­sant de la vie une école du devoir per­ma­nent, esthé­tique et phi­lo­so­phique ; qu’apparaisse chez tout homme le poète de sa sur­vie. Le capi­tal à visage humain a besoin d’un peuple plus poli­cé.

Apocalypse et révo­lu­tion [Invariance, année IX, série III, n°2 et 3, 1976–1977]
chap. 4 : Ch
trad. Lucien Laugier
La Tempête 2020
p. 111 § 57