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Voir un comte prendre son petit déjeu­ner est affli­geant et conster­nant, et pour cette rai­son, mieux vaut s’abs­te­nir d’a­voir l’im­pu­dence de déran­ger un comte qui daigne prendre son petit déjeu­ner. De quoi l’a­ris­to­cra­tie aime-t-elle se nour­rir, en géné­ral ? À mon avis, la réponse la plus juste et la plus simple à cette ques­tion dif­fi­cile et déli­cate est la sui­vante : l’a­ris­to­cra­tie aime sur­tout les œufs au bacon. En outre, elle dévore et absorbe toutes sortes de confi­tures exquises. Si à pré­sent, nous sou­le­vons la ques­tion un peu inquié­tante, peut-être, parce que sans doute par­fai­te­ment incon­grue, de savoir ce que lit l’a­ris­to­cra­tie, nous espé­rons don­ner dans le mille en répon­dant allè­gre­ment : À part les lettres qu’elle n’a jamais reçues, elle ne lit vrai­ment pas grand-chose. – Quelle sorte de musique lui plaît et l’en­chante le plus, pour autant qu’il lui convienne de dai­gner nous don­ner ce ren­sei­gne­ment ? – Le ren­sei­gne­ment est tout simple : Wagner, voyons. – Que fait et qu’en­tre­prend, et à quoi s’oc­cupe l’a­ris­to­cra­tie toute la jour­née ? En réponse à cette ques­tion appa­rem­ment aus­si inso­lite que par­fai­te­ment natu­relle, bien sûr, et de ce fait, dif­fi­ci­le­ment offen­sante, nous sommes dans l’o­bli­ga­tion de dire : elle va à la chasse. – Et les épouses de l’a­ris­to­cra­tie, com­ment peuvent-elles se dis­tin­guer et paraître à leur avan­tage, par exemple ? Vite, la femme de chambre gra­cieuse et délu­rée passe en coup de vent et déclare : Je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet. Pourtant, je peux dire tout de même que les duchesses, en géné­ral, se carac­té­risent par une cor­pu­lence impo­sante et que les baronnes sont presque tou­jours belles comme des nuits de lune, douces et capi­teuses. Les prin­cesses sont presque tou­jours maigres comme des clous, frêles et minces plu­tôt que larges et robustes. On voit les com­tesses fumer des ciga­rettes et elles passent pour domi­na­trices. Les prin­cesses, en revanche, sont aimables et modestes.

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« Tobold » Petite prose [1917]
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trad.  Marion Graf
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p. 168