« Me voici, homme mauvais et sans valeur, heureux pourtant, sinon bienheureux, d’avoir été envoyé par Monsieur le secrétaire, lui aussi à l’heure qu’il est certainement heureux, voire bienheureux, auprès de Madame la baronne avec ce verre de limonade, dans le but d’apporter à la plus belle femme du monde ce que cette dernière a daigné commander. Monsieur le secrétaire m’a ordonné de dire à Madame la baronne qu’il sollicitait la permission de pouvoir mille mille fois présenter ses compliments et recommander ses services à Madame. Je ne sais pas où Monsieur le secrétaire se trouve en ce moment ; mais ce que je sais et ce que je peux dire, c’est qu’à cette heure ou à cette minute, où qu’il puisse être, et quelle que soit l’affaire importante qui puisse l’occupée, en pensée, il baise la main de Madame la baronne, et même sans doute avec plus de fougue qu’il n’est de mise, peut-être, selon les lois sévères de la bienséance aristocratique, parce qu’il se sent à tout instant le chevalier, le satellite et le serviteur dévoué, prêt à tout, de Madame. Les yeux les plus beaux et les plus aimables que l’on puisse apercevoir se posent, à ce qu’il voit, avec stupéfaction et avec quelque étonnement sur l’humble ambassadeur et insignifiant commissionnaire qui parle la langue de ceux qui sont ivres de bonheur parce qu’il leur a été donné d’être admis à se mettre au service de la bonté, de la grâce et de la beauté en personne. Madame la Baronne fait véritablement la joie de quiconque a le privilège de se présenter devant elle, et cette circonstance peut un peu excuser, à la rigueur, le discours que nous avons osé tenir, et la tonalité dans laquelle nous sommes tombé. »
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