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Et manifestatum est mihi, quoniam bona sunt, quae corrumpuntur, quae neque si summa bona essent, corrumpi possent, neque nisi bona essent, corrumpi possent : quia, si summa bona essent, incorruptibilia essent, si autem nulla bona essent, quid in eis conrumperetur, non esset. nocet enim corruptio, et nisi bonum minueret, non noceret. aut igitur nihil nocet corruptio, quod fieri non potest, aut, quod certissimum est, omnia, quae corrumpuntur, privantur bono. si autem omni bono privabuntur, omnino non erunt. si enim erunt et corrumpi iam non poterunt, meliora erunt, quia incorruptibiliter permanebunt. et quid monstrosius quam ea dicere omni bono amisso facta meliora ? ergo si omni bono privabuntur, omnino nulla erunt : ergo quamdiu sunt, bona sunt. ergo quaecumque sunt, bona sunt, malumque illud, quod quaerebam unde esset, non est substantia, quia, si substantia esset, bonum esset.

Ce qui est bon pourrit – c’est devenu évident pour moi. Ce qui n’est le cas ni pour ce qui est suprêmement bon ni pour ce qui n’est radicalement pas bon : ce qui est suprêmement bon est imputrescible, et dans ce qui n’est radicalement pas bon rien n’est susceptible de pourrir. Pourrir est une nuisance. Si le bien n’en était pas altéré, ce n’en serait pas une. Ou alors pourrir ne nuit en rien mais c’est impossible ! ou bien, et c’est sûr, pourrir est toujours la privation d’un bien. Mais une chose privée de tout bien n’existe plus. Si elle existe et qu’elle ne peut plus pourrir, elle sera meilleure parce qu’elle restera sans pourrir. Et quoi de plus monstrueux que de dire qu’en perdant tout bien une chose est devenue meilleure ? Donc, si on la prive de tout bien, elle ne sera plus rien du tout. Conclusion : aussi longtemps qu’elle existe, elle est bonne. Et tout ce qui existe est bon. Et le mal dont je cherchais l’origine n’est pas une substance. Parce que s’il était une substance, il serait bon.

Les Aveux [Confessiones (397–402)]
t. 7
chap. 18
trad. Frédéric Boyer
P.O.L 2009
p. 195