03 03 21

Et mani­fes­ta­tum est mihi, quo­niam bona sunt, quae cor­rum­pun­tur, quae neque si sum­ma bona essent, cor­rum­pi possent, neque nisi bona essent, cor­rum­pi possent : quia, si sum­ma bona essent, incor­rup­ti­bi­lia essent, si autem nul­la bona essent, quid in eis conrum­pe­re­tur, non esset. nocet enim cor­rup­tio, et nisi bonum minue­ret, non noce­ret. aut igi­tur nihil nocet cor­rup­tio, quod fie­ri non potest, aut, quod cer­tis­si­mum est, omnia, quae cor­rum­pun­tur, pri­van­tur bono. si autem omni bono pri­va­bun­tur, omni­no non erunt. si enim erunt et cor­rum­pi iam non pote­runt, melio­ra erunt, quia incor­rup­ti­bi­li­ter per­ma­ne­bunt. et quid mons­tro­sius quam ea dicere omni bono amis­so fac­ta melio­ra ? ergo si omni bono pri­va­bun­tur, omni­no nul­la erunt : ergo quam­diu sunt, bona sunt. ergo quae­cumque sunt, bona sunt, malumque illud, quod quae­re­bam unde esset, non est sub­stan­tia, quia, si sub­stan­tia esset, bonum esset.

Ce qui est bon pour­rit – c’est deve­nu évident pour moi. Ce qui n’est le cas ni pour ce qui est suprê­me­ment bon ni pour ce qui n’est radi­ca­le­ment pas bon : ce qui est suprê­me­ment bon est impu­tres­cible, et dans ce qui n’est radi­ca­le­ment pas bon rien n’est sus­cep­tible de pour­rir. Pourrir est une nui­sance. Si le bien n’en était pas alté­ré, ce n’en serait pas une. Ou alors pour­rir ne nuit en rien mais c’est impos­sible ! ou bien, et c’est sûr, pour­rir est tou­jours la pri­va­tion d’un bien. Mais une chose pri­vée de tout bien n’existe plus. Si elle existe et qu’elle ne peut plus pour­rir, elle sera meilleure parce qu’elle res­te­ra sans pour­rir. Et quoi de plus mons­trueux que de dire qu’en per­dant tout bien une chose est deve­nue meilleure ? Donc, si on la prive de tout bien, elle ne sera plus rien du tout. Conclusion : aus­si long­temps qu’elle existe, elle est bonne. Et tout ce qui existe est bon. Et le mal dont je cher­chais l’o­ri­gine n’est pas une sub­stance. Parce que s’il était une sub­stance, il serait bon.

,
Les Aveux [Confessiones (397–402)]
,
t. 7
,
chap. 18
,
trad.  Frédéric Boyer
, , ,
p. 195