19 07 21

Aujourd’hui, par exemple, j’ai com­mis trois impu­dences, l’une envers un conduc­teur, l’autre envers une per­sonne qui m’était pré­sen­tée – tiens, elles ne sont que deux – mais elles me font souf­frir comme des crampes d’estomac. C’eût été de l’impudence de la part de n’importe qui, com­bien plus encore venant de moi. Ainsi, je sor­tis de moi-même, je lut­tai à vide dans le brouillard et, ce qui est plus grave, per­sonne ne remar­qua que je fai­sais cette impu­dence comme telle, qu’il me fal­lait la faire même à l’égard de ceux qui m’accompagnaient, qu’il me fal­lait leur mon­trer la mine appro­priée et en por­ter la res­pon­sa­bi­li­té à leurs yeux ; mais ce fut pis encore quand l’un de mes amis, pre­nant cette impu­dence non pour un indice de carac­tère, mais pour le carac­tère lui-même, atti­ra mon atten­tion sur elle et l’admira. Pourquoi ne res­té-je pas en moi ? Maintenant, il est vrai, je puis me dire : vois donc, le monde se laisse battre par toi, le conduc­teur et la per­sonne qui t’était pré­sen­tée sont res­tés calmes quand tu es par­ti, cette der­nière t’a même salué. Mais cela ne veut rien dire. Tu ne gagne­ras rien à quit­ter ton cercle et par sur­croît, que per­dras-tu à res­ter dedans ? A ceci, je me borne à répondre : moi aus­si j’aimerais mieux me lais­ser rouer de coups dans le cercle plu­tôt que d’être celui qui donne les coups à l’extérieur, mais où diable est-il, ce cercle ? Il fut un temps où je le voyais posé à terre, comme arro­sé de chaux, mais en ce moment, je ne le vois plus que flot­tant vague­ment autour de moi, que dis-je, il ne flotte même pas.

Ich habe heute zum Beispiel drei Frechheiten gemacht, gegenü­ber einem Kondukteur, gegenü­ber einem mir Vorgestellten, so, es waren nur zwei, aber sie schmer­zen mich wie Magenschmerzen. Von Seite eines jeden Menschen wären es Frechheiten gewe­sen, wie erst von mei­ner Seite. Ich ging also aus mir heraus, kämpfte in der Luft im Nebel, und das Ärgste : daß es nie­mand merkte, daß ich auch gegenü­ber mei­nen Begleitern die Frechheit als eine Frechheit machte, machen mußte, die rich­tige Miene, die Verantwortung tra­gen mußte ; das schlimm­ste aber war, als einer mei­ner Bekannten diese Frechheit nicht ein­mal als Zeichen eines Charakters, son­dern als den Charakter selbst nahm, mich auf meine Frechheit auf­merk­sam machte und sie bewun­derte. Warum bleibe ich nicht in mir ? Jetzt sage ich mir aller­dings : schau, die Welt läßt sich von dir schla­gen, der Kondukteur und der Vorgestellte blei­ben ruhig, als du weg­ging­st, der letz­tere grüßte sogar. Das bedeu­tet aber nichts. Du kannst nichts errei­chen, wenn du dich verläßt, aber was versäum­st du über­dies in dei­nem Kreis. Auf diese Ansprache ant­worte ich nur : auch ich ließe mich lie­ber im Kreis prü­geln, als auße­rhalb selbst zu prü­geln, aber wo zum Teufel ist die­ser Kreis ? Eine Zeitlang sah ich ihn ja auf der Erde lie­gen, wie mit Kalk aus­ges­pritzt, jetzt aber schwebt er mir nur so herum, ja schwebt nicht ein­mal.

, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 5
, 1910