(Il arrive, reste une minute profondément absorbé, tire un flacon de sels de son chapeau claque, l’hume convulsivement à sept reprises, puis commence, si résigné.)
Ayant quitté mon lit… peuh… à l’heure ordinaire,
J’ai très-spontanément caché mon pauvre corps
– Après avoir lavé ce qu’on laisse dehors –
Sous des choses en drap d’une coupe arbitraire.
Et je n’étais pas le seul !
Dans une maison… propre, un être m’a coiffé
Puis rasé (menaçant !) sans me faire d’entailles,
Et je lui ai remis de petites médailles,
Car j’avais remarqué que c’est ainsi qu’on fait.
Et je n’étais pas le seul !
Dans une autre… maison, j’ai devant une… table,
Mangé des plantes cuites et puis de la chair
De bêtes des forêts, du ciel et de la mer,
Et bu. (Tout ce qu’ici j’avance est véritable).
Et je n’étais pas le seul !
Je rencontrais des gens. Nous nous félicitions
De nous voir. Être au monde, au fond, simple aventure
Puis des dames, parfois plus belles que nature,
Qui me causaient… différentes impressions.
Et je n’étais pas le seul !
Puis encor des gens pas plus que moi z’insolites ;
Des affiches – Des boîtes à chevaux pensifs ;
Et des vendeurs de tout, sachant mille tarifs !
Je leur donnais parfois des médailles susdites.
Et je n’étais pas le seul !
J’ai parlé au passé, au présent, au futur !
J’ai appris divers faits dont j’ai flairé les causes !
À mon tour j’ai soutenu mille et mille choses
De tout ordre, et d’un air exorbitamment sûr.
Et je n’étais pas le seul !
Puis remangé, Puis dans les lieux où je travaille,
Écrit des faits historiques mais compilés,
Et des messieurs prudents, là, m’ont renouvelé
D’une provision de petites médailles.
Et je n’étais pas le seul !
Enfin, dévêtu, je me suis, acte peu subtil
Réintégré entre mes draps. – Que de choses ! j’y rêve…
Pourtant l’Humanité ne peut se mettre en grève
N’est-ce pas ? Alors, quoi ? quoi ? rien (furioso) – Ainsi soit-il.
(Muet, immobile, il couve ces gens de ses yeux mélancoliques, fait un geste d’universelle résignation – et se fond.)