Un de ces jours où je suis très petit, on s’arrête une nuit de vacances dans cette maison que je ne connais pas, une sorte de chalet désaffecté, ouvert à l’endroit des arbres. Je veux dormir mais le lit est bordé d’une manière si rigoureuse qu’il m’est impossible de le défaire tout seul. Quelqu’un m’aide. Les draps froids, tirés, presque infinis m’aplatissent et, soudain, je sors, par la force des choses, de mon habitude d’être en boule. Je tends les bras, j’étire les jambes, le cou : je suis pour la première fois pris dans cette forme d’extension de la pâte qu’on étale.
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Dans l’énergie du refoulé, mon corps compact revient durant la nuit et la boule qu’il forme est maintenant sans issue. Dans le noir très dense, j’entends qu’on appelle et puisque je ne peux que crier, je crie, non du retour de la densité mais de ce qu’il n’existe plus qu’elle. Peut-être l’inquiétude m’apparaît alors brièvement comme un état stable et, pendant les quelques secondes durant lesquelles on me cherche sous le lit d’abord puis tout autour, jusqu’au couloir paraît-il, avant de me retrouver finalement piégé entre la hauteur du matelas et le drap, j’ai, pendant ces quelques secondes où s’effacent tous mes repères, le sentiment saugrenu d’appartenir à quelque chose.
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Mais quoi ? Je suis simplement coincé dans le repli du lit trop bien bordé d’un chalet de vacances laissé à l’abandon et j’ai comme l’illusion de connaître la forme stabilisée de l’absorption universelle. […]