20 02 22

Il s’é­cria :
« Ce n’est pas ça la vie, tu t’é­loignes, tout ça n’a plus rien à voir avec la réa­li­té.
— C’est de la poé­sie, répon­dit-il.
— Précisément, rétor­qua-t-il, le poète c’est le rythme, c’est Solar, c’est le rythme de la vie. Tu sais les emmer­de­ments arrivent à tout ins­tant, se réper­cutent, il faut gar­der le tem­po. Le poème ne te plaît pas ? deman­da-t-il. – Non, ça ne va pas, ça ne va pas, y entend-on les bruits de la rue, non, on n’y voit rien de vrai, c’est de la lit­té­ra­ture ! s’ex­cla­ma-t-il. La poé­sie, pour­tant, est dans la vie… s’ex­cu­sa-t-il.
— Et, là, il y a une sépa­ra­tion monu­men­tale entre l’é­par­pille­ment des sen­sa­tions de la vie et ce que tu mets là de faible, on dirait un filet de voix mala­dif, c’est plus dur que ça, ton tem­po est trop mou, on n’y croit pas, ça ne donne pas envie de vivre, ça ne donne pas le rythme, fran­che­ment, un texte comme ça ne donne pas de plai­sir à l’en­tendre ou à le lire, on se demande même pour­quoi il existe, c’est rien et c’est loin de ce qui fait notre réa­li­té, notre réa­li­té crisse, expli­qua-t-il.
— Crisse ? s’é­ton­na-t-il. ‑Oui, elle grince, elle est cha­hu­tée, elle est cabos­sée, ça vient de par­tout et ça ne laisse pas tran­quille un ins­tant, il faut tenir, et ne pas perdre de temps, tu vois encore une his­toire de tem­po et de force de convic­tion, il faut pou­voir te faire entendre, avec des mots plus rudes, pré­ci­sa-t-il. C’est le bruit, main­te­nant, affir­ma-t-il.
— Comme une chan­son, comme un rag­ga­muf­fin, comme un chant de com­bat, comme une affiche déchi­rée ? sug­gé­ra-t-il.
— Je ne sais pas, mais tu écoutes le texte et ça se voit tout de suite si c’est du vrai. Tu me montres là une chose qui ne sert à rien et qui n’exprime rien de la vie, ça me dégoûte, je ne le sup­porte plus, excuse-moi, ça suf­fit ces conne­ries », avoua-t-il.

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« A nice rea­li­ty » Le Kilo et autres inédits
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p. 519–520