Il s’écria :
« Ce n’est pas ça la vie, tu t’éloignes, tout ça n’a plus rien à voir avec la réalité.
— C’est de la poésie, répondit-il.
— Précisément, rétorqua-t-il, le poète c’est le rythme, c’est Solar, c’est le rythme de la vie. Tu sais les emmerdements arrivent à tout instant, se répercutent, il faut garder le tempo. Le poème ne te plaît pas ? demanda-t-il. – Non, ça ne va pas, ça ne va pas, y entend-on les bruits de la rue, non, on n’y voit rien de vrai, c’est de la littérature ! s’exclama-t-il. La poésie, pourtant, est dans la vie… s’excusa-t-il.
— Et, là, il y a une séparation monumentale entre l’éparpillement des sensations de la vie et ce que tu mets là de faible, on dirait un filet de voix maladif, c’est plus dur que ça, ton tempo est trop mou, on n’y croit pas, ça ne donne pas envie de vivre, ça ne donne pas le rythme, franchement, un texte comme ça ne donne pas de plaisir à l’entendre ou à le lire, on se demande même pourquoi il existe, c’est rien et c’est loin de ce qui fait notre réalité, notre réalité crisse, expliqua-t-il.
— Crisse ? s’étonna-t-il. ‑Oui, elle grince, elle est chahutée, elle est cabossée, ça vient de partout et ça ne laisse pas tranquille un instant, il faut tenir, et ne pas perdre de temps, tu vois encore une histoire de tempo et de force de conviction, il faut pouvoir te faire entendre, avec des mots plus rudes, précisa-t-il. C’est le bruit, maintenant, affirma-t-il.
— Comme une chanson, comme un raggamuffin, comme un chant de combat, comme une affiche déchirée ? suggéra-t-il.
— Je ne sais pas, mais tu écoutes le texte et ça se voit tout de suite si c’est du vrai. Tu me montres là une chose qui ne sert à rien et qui n’exprime rien de la vie, ça me dégoûte, je ne le supporte plus, excuse-moi, ça suffit ces conneries », avoua-t-il.
20 02 22