Doibvent aussi noter et entendre les scrupuleux, desquelz entendions consoler la pusillanimité, combien que soyons a aultres choses desvoyez, et soigneusement considérer qu’il leur est moult expédient avec le conseil de ceulx qui ont charge de leur salut, faire et procéder contre leurs scrupules ; affin que ainsi faisant, ilz puissent finablement soy acoustumer, ne les craindre point, ainsi que les charpentiers acoustumez, seurement et hardiement cheminent sur les toictz très haultz où les aultres non acoustumez ad ce, seroint incontinent en péril de leur vie s’ilz attentoint telle chose présumer. Aussi pensent et si considèrent les pusillanimes scrupuleux que aulcunefois l’ennemy de gendre humain impugne l’homme par ordures de cogitations, ainsi que a l’assault des villes et chasteaulx est acoustumé de faire avec ordures quelconques l’on peult trouver. Aulcuneffois par tumulte souldain ou espouvantement inconsidéré et non preveu, ainsi que semblablement, avec les tonnerres des bombardes et aultres machines, ont coustume faire les impugnateurs des fortresses, et ainsi que les joculateurs et bourdereaux scaivent causer paour et crainte es enfans non expers de terreur et horreur. Telz scrupuleux ne doibvent avoir cure ou soy estonner de telles choses, ne beaucoup litiger ou debatre avec elles ; ains plus tost si les vilipendent et democquent, disant avec ung saint père : ton immondice soit sur toy, diable. Dieu est mon adiuteur, ie ne craindray point car tu es immunde esperit ; ton œuvre est immundice. Je ne craindray point tes terreurs, assaultz et espouantement, car j’ay pour défenseur celluy qui doibt venir toy iuger ensemble tous les vifz et mors.
Semblablement les pusillanimes scrupuleux ont de scavoir que si leurs confessions les inquiètent plus que ne appaisent et tranquillisent, prouveu touteffois qu’ilz n’ayent point iugement en soy ferme et arresté de péché mortel, ce que souvent ilz pourroient congnoistre par ce que si en cas semblables eux mouvans, ilz estoient requis et interroguez dos aultres ainsi tente, diroint telz cas n’estre point péchez mortelz ; adoncques du conseil de leurs confesseurs debvroint cesser de trop souvent s’en voulloir confesser, et neantmoins confidemment célébrer ou communier en disant : sire Dieu, les prières que ie prosterne devant ta face ne sont pas offertes en mes Justifications, car elles sont nulles, et si scay bien que quant mil fois ie me confesserois, si tu me veulx estroitement discuter ie ne seray pas munde devant toy ; ta seule miséricorde me mundera. Et pourtant en la multitude de tes miserations, ie entreray et approcheray a ton sainct autel et sacrement avec ta crainte, craignant de toy plus offenser si ie le laisroye que si j’en approche, pour tant que tu l’as commandé estre ainsi faict en mémoire de toy ; et ie suis debteur a plusieurs pour lesquelz suis tenu de prier.
Nul doibt doubter que telle humiliation ne soit plus acceptable a Dieu que la vaine presumption d’aulcuns lesquelz, après leur confession et quelque petite dévotion, se réputent dignes et bien mundes, comme sans crainte de si grans misteres approchans. Mais serait aultrement de faire quant l’on auroit conscience arrestée et quasi certaine de péché mortel, car il le fauldroit confesser. Or n’est il pas ainsi de péché véniel, loquel iamais ne chiet soubz obligation de confesser sacramentalement en spécialité, combien qu’il soit très utile aulcuneffois ; ains suffit de ce faire confession en généralité, car les péchez vénielz sont diversement effacez, comme par confession générale, par l’oraison dominicale, tunsion de la poictrine.